Daniel Hillion semble désirer qu'un débat consistant sur la question de la pauvreté ait lieu en France comme il a eu lieu aux Etats-Unis. Il faut dire que l'arrière-plan historique et philosophique de ces deux pays n'est pas le même ! Je ne suis pas certain qu'il soit toujours utile de débattre sur tout, mais sur cette question et avec Daniel Hillion, cela me paraît possible et peut-être utile.
Dans son souci d'intégrité, Daniel Hillion exprime lui-même à plusieurs reprises les limites qu'il faut respecter, les difficultés qui peuvent exister, et il tend les perches qui peuvent introduire un débat. Je m'en saisirai donc pour questionner certaines de ses affirmations et, autant le dire, la teneur globale de son étude, malgré beaucoup de considérations justes.
Un mot encore pour introduire ces lignes : ma compréhension de l'enseignement biblique sur la question de la pauvreté pourrait donner à certains l'impression que je me soucie peu du sort des pauvres qui vivent sur cette terre. Ce n'est pas le cas. Ma préoccupation est plutôt de ne pas déplacer l'axe central de la révélation biblique par un désir compréhensible mais risqué de se rapprocher de la pensée du plus grand nombre. En d'autres termes, quand l'écriture parle des pauvres, le fait-elle comme le feraient un journaliste, un économiste ou le responsable d'une ONG caritative ?
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Quels pauvres ?
J'ai mentionné les limites que Daniel Hillion pose lui-même à sa propre démarche. Il reconnaît que la Bible ne donne pas de définition de la pauvreté (p. 66). La pauvreté économique est bien évoquée à diverses reprises dans l'écriture. Mais il est évident que le mot pauvre a également une connotation spirituelle en lien avec une attitude d'humilité ou d'affliction, un peu comme quand on dit de quelqu'un « le pauvre ». Cela ne concerne pas que les personnes en manque d'argent ou de nourriture. Quand, dans le Psaume 40, David s'écrit « Moi, je suis pauvre et indigent » (v. 18), il est assez évident que cela correspond au sentiment de dépendance vis-à-vis de Dieu, en même temps qu'à la confiance placée en Lui : « Tu es mon aide et mon libérateur : mon Dieu, ne tarde pas ! » (v. 18). Ici, le mot ‘pauvre’ qualifie celui qui se confie en Dieu, celui qui croit, exactement comme dans la première Béatitude (Mt 5.3). D'ailleurs, il n'est pas écrit que Jésus a manqué d'argent ou de nourriture, mais il est écrit qu'il « s'est fait pauvre » (2 Co 8,9), c'est-à-dire qu'il s'est dépouillé de sa prééminence et s'est rendu dépendant de Dieu.
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