Shafique Keshavjee, La couronne et les virus - Et si Einstein avait raison ? – Saint-Maurice et Saint-Légier, 2021, Coédition Saint-Augustin/Éditions HET-PRO – ISBN : 978-2-88926-218-2 – 206 pages – CHF 24,- € 18,-.
Shafique Keshavjee, après des études en sciences sociale et politique et en théologie, a obtenu un doctorat en Science des religions. Consacré pasteur de l’Église Évangélique Réformée du Canton de Vaud, il a été professeur à la Faculté de théologie de Genève ; il est maintenant retraité. Il est connu du grand public pour divers ouvrages comme « Le roi, le sage et le bouffon » et, plus récemment, « Pour que plus rien ne nous sépare » et « L’Islam conquérant », dont Hokhma a fait la recension.
Avec ce livre, Shafique Keshavjee renoue avec sa manière de nous transmettre ses idées au travers d’un scénario, dont la pandémie du Corona (= la couronne du titre) virus sert de toile de fond. Ici, l’« honorable professeur » (l’auteur) est consulté par Li-Ying, une chercheuse chinoise en immunologie, retenue à Paris par la pandémie. Elle lui envoie un mail pour chercher à comprendre ce que fait Dieu dans tout ça ? Elle est imprégnée de taoïsme, mais est dans une quête spirituelle ouverte, influencée par Wenliang, son cousin chrétien, récemment décédé du Corona. Curieusement, ce dernier porte le même nom que l’oculiste du Wuhan qui a lancé l’alerte de l’existence de ce terrible virus, sans qu’il soit précisé s’il s’agit ou non du même personnage. Mais ce n’est pas le seul mystère que l’énigmatique Li-Ying cache dans sa poche. S’en suit une série d’échanges de courriels auxquels vont se mêler, par le truchement de Li-Ying, Gamzou, un voisin juif hassidique un peu loufoque, dont le fils, Ruben, est devenu Juif messianique ; Zhen, le frère de Li-Ying, semeur de zizanie ; Zineb, une courageuse collègue de travail musulmane qui voit les virus de l’Islam…
Au travers de ces pages, Shafique Keshavjee soulève les questions que posent, non seulement les pandémies, mais aussi la violence et toutes les causes de souffrances. Il voit aussi les virus qui atteignent non seulement le corps des hommes, mais leur âme et leur esprit, la philosophie, la politique, l’économie, la science, les religions, etc. L’humanité est infectée par le virus de Babylone, ce que la Bible appelle le péché = le fait de manquer le but. Il est caractérisé par l’orgueil, l’autosuffisance, la corruption, la méfiance et le désespoir. Le virus qui a fait par exemple du marxisme un messianisme violent a touché Pékin et la Chine. Le pire de l’occident se joint au pire de l’orient pour ruiner le monde. Et si le meilleur de l’orient pouvait se joindre au meilleur de l’occident ?
Et si Einstein avait raison ? À la page 91, on trouve cette citation improbable et pourtant bien de la plume d’Einstein : « Si l’on sépare le judaïsme des prophètes, et le christianisme tel qu’il fut enseigné par Jésus-Christ de tous les ajouts ultérieurs, en particulier ceux des prêtres, il subsiste une doctrine capable de guérir l’humanité de toutes les maladies sociales ».
C’est donc bien à un retour au message de la Bible, dépouillé des ajouts ultérieurs, que nous sommes appelés. Mais ce message, Shafique Keshavjee le formule en termes nouveaux, susceptibles de parler à un certain lectorat contemporain en recherche. Il parlera de Dieu comme de l’Aleph, la première lettre de l’alphabet hébreu qui, selon la kabbale, est l’origine de tout. Jésus est le Grand Thérapeute. Le premier désir d’Aleph pour l’homme (la kabbale parle de kether – couronne) est le plaisir et le délice. L’homme ne peut être guéri de ses virus qu’en revenant humblement à Aleph ; dans le contact avec lui, par la méditation, il découvrira sa propre beauté et pourra recevoir la vraie vie. C’est un appel à la Sainteté, c’est-à-dire à une consécration à la Vie, et au Sabbat, c’est-à-dire au respect des rythmes de la vie. Wenliang pense que c’est parce que les hommes n’ont pas voulu du Sabbat que le virus les a contraints à se reposer – pp 164-165, ce qui fait penser à Lv 26,34-35 et 2 Ch 36,21. Le précepte de Hillel cité par l’auteur en exergue de son livre, prend alors tout son sens :
« Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ?
Si je ne suis que pour moi, que suis-je ?
Et si ce n’est pas maintenant, alors quand ? » (Pirqei Avot 1/14)
Cette nécessité de retrouver sa propre identité, si nécessaire pour vivre, ne peut se faire sans les autres, et doit se faire maintenant. Pour l’auteur, c’est un principe qui est vrai aussi au niveau des peuples qui doivent certes se soucier d’eux-mêmes, mais aussi penser au niveau international.
« La couronne et le virus » est certainement un livre important qui paraîtra peut-être ésotérique ou kabbalistique à certains : il ne se livre pas du premier coup. Shafique Keshavjee en a parlé comme d’une sorte de testament spirituel. Souhaitons que ce ne sera que son premier testament et qu’il en rédigera d’autres !