« Je n’entendais pas accepter un idéal ou un mythe humain, même le plus sublime. Et je ne voulais pas non plus me rallier à une institution, fût-elle mondiale, ni embrasser une religion. Non, si Dieu était Dieu, il n’était pas n’importe qui, et alors je voulais Dieu ». Voilà ce que disait ce prisonnier de guerre en Allemagne en 1940…
Jusque-là les circonstances avaient plutôt souri à ce fils aîné d’un artiste réputé. Bien qu’encore jeune, il avait commencé lui-même à exposer ses propres laques dans les galeries d’art. L’avenir semblait prometteur. Bien résolu à rester maître de sa personne en toutes circonstances, il avait décidé d’être athée, juste après sa première communion.
À quoi bon chercher ailleurs qu’en soi-même et dans le monde un guide sur la voie à suivre ? Il lui suffisait de s’en tenir à l’amour de la famille et à l’honneur de la patrie, tout en menant une vie insouciante. Gagné au snobisme des riches clients de son père, il aimait cultiver son image de bon garçon pas plus mauvais qu’un autre. Comme il le raconte dans son autobiographie, il aimait plaire, quitte à délaisser ensuite les jeunes femmes qui avaient placé en lui leur confiance amoureuse.
La foi en prison
Sa détention en Allemagne l’avait amené à rencontrer des prêtres et des pasteurs avec lesquels il aimait s’entretenir. Il entendait toutefois conserver son incroyance. Les choses ont changé lorsqu’il a rencontré en 1941 le pasteur Gothié, prisonnier comme lui à l’intérieur de l’Oflag XB (près de Brême dans l’ouest de l’Allemagne). Lorsqu’il lui a dit qu’il voulait bien encore croire en un Dieu mais qu’il ne pouvait croire en Jésus-Christ, cet ingénieur de formation, commandant dans le génie militaire, lui a répondu : « Moi j’aime beaucoup Jésus-Christ. » Ces simples mots pleins d’authenticité ont attiré définitivement Bernard Dunand au Christ.
Il a alors décidé d’assister aux études de la Bible tenues dans le camp sous la conduite du pasteur Jacques Blocher. Pendant quatre années, elles lui ont permis de poser de nouvelles fondations pour sa pensée. Il a progressivement compris la vanité des diverses tentatives religieuses qui proposent toutes d’aller du bas vers le haut. Le message biblique est en effet tout autre : l’initiative va d’En-Haut vers le bas. C’est bien Dieu, le Créateur de l’univers, qui est venu dans notre histoire en Jésus le Messie promis. À partir de là, Bernard Dunand a compris que ce Dieu-Homme, seul juste parmi les humains, avait expié pour lui tous ses égarements afin de pouvoir lui faire grâce.
« J’ai appris à tout mesurer aux textes de la Bible pour ne pas réduire Dieu à mon expérience intérieure ».
Dès ce moment, il n’a cessé de confesser sa foi en Jésus-Christ à sa famille dans les rares lettres qu’autorisait le commandement allemand. C’est un homme complètement transformé que sa famille a retrouvé en 1945. Après avoir professé sa foi en public, il s’est fait baptiser.
Ceux qui ne l’ont connu qu’après la guerre n’ont jamais pu imaginer qu’il avait autrefois été mondain et frivole. Sa conversion au Christ avait complètement réorienté sa pensée et toute sa vie.
La foi à l’épreuve
Maintenant libéré, Bernard Dunand peut reprendre son activité artistique. Son défi : vivre en chrétien, sans séparer vie privée et vie publique. Toutes deux ne sont-elles pas sous l’unique souveraineté du Dieu qui l’a sauvé ? Son entourage professionnel connaît sa foi. Celle-ci est mise à l’épreuve par les difficultés économiques d’après-guerre qui rendent les conditions moins favorables à l’exercice d’un métier d’art décoratif comme le sien. En réponse à sa prière, quelques belles commandes viennent alors dénouer les situations financières les plus critiques.
« L’irréductible majesté du Créateur, même dans l’abaissement du Rédempteur s’oppose toujours en moi à toute recherche d’une évocation visuelle de sa Personne ».
Une foi qui s’exprime
En 1949, il propose une théorisation originale de l’art de la laque pour le distinguer de celui de la peinture. Mais très vite, le nouveau chrétien se demande comment rendre compte de sa foi dans sa manière d’exercer mon art ? Sa réponse se fait en deux temps. Progressivement, il passera d’un style figuratif à un style plus abstrait. « Le pain et le vin », évocateurs de la Sainte Cène, sont un exemple du premier style. Finalement, il optera pour un style constamment abstrait. Les motifs et les couleurs sont alors conçus comme une correspondance sensible de la Bible, ce livre par lequel Dieu lui parle. C’est pourquoi ses panneaux ont pour titre des versets de l’Écriture sainte.
Bernard Dunand estime en effet que le Christ n’est pas représentable. Vrai homme certes mais aussi vrai Dieu. Et, parce qu’il était sans péché, il était aussi distinct des autres hommes, même quant à sa seule humanité. De fait, les évangiles ne donnent aucun détail sur le physique du Christ. Mais, à ses paroles, on le reconnaît entre tous les autres hommes, sans confusion possible.
Bernard Dunand : 1908-1998
L’artiste a eu une carrière internationale. Il a exposé non seulement en France mais aussi dans plusieurs pays étrangers.
Ses œuvres ont décoré notamment des salles de conseil d’administration de grandes sociétés, le Jockey club de Sao Paulo, le paquebot France.
L’art de la laque
La laque est initialement une matière naturelle, lente à travailler ; elle sèche et durcit en atmosphère très humide ; elle donne son plus bel effet à être appliquée en couches successives poncées et dont la dernière est ensuite polie. Elle peut décorer des tableaux ou des paravents mais aussi des vases ou des meubles.
La laque synthétique offre une palette de couleurs beaucoup plus riche. L’artiste en tira intelligemment parti. Recourant à des motifs d’ordre végétal plus ou moins figuratifs, il chercha surtout à employer la variété de transparences et de lumières que produisait le ponçage de couches superposées, de couleurs variées dont la couleur or.