Il y a des biens dont la valeur ne nous apparaît pleinement que quand nous en sommes privés. C’est par exemple le cas de la liberté ou de la santé. Tant que nous en jouissons, elles nous paraissent aller de soi et nous n’y pensons guère. C’est quand elles viennent à manquer que nous en mesurons le prix.
C’est également le cas de la générosité. Nous aimons en bénéficier et nous la pratiquons parfois, par exemple lors de fêtes comme Noël où la tradition nous invite à faire des cadeaux. Mais il s’agit là souvent d’une exception dans l’année, comme si la générosité était une option sans être une vertu essentielle.
Les contraires de la générosité
Nous commençons à prendre conscience de l’importance de la générosité lorsque nous sommes confrontés à son contraire, par exemple :
L’avarice, la soif immodérée de l’argent, le désir de tout acquérir et de ne rien perdre. Cette volonté de tout garder pour soi empoisonne les relations avec les proches. Dans sa comédie, L’Avare, Molière a bien montré à quel point il est pénible de vivre aux côtés d’un avare. S’il arrive à l’avare de donner, c’est toujours à regret et le moins possible.
L’égoïsme, la recherche permanente et exclusive de son intérêt personnel. Les autres ne sont intéressants que dans la mesure où ils y contribuent. L’égoïste est toujours prêt à se servir d’eux, jamais à les servir. Il est toujours prêt à recevoir, jamais à donner, à moins que cela ne soit utile à ses intérêts.
Le calcul, l’attitude de celui qui ne connaît d’autre relation que le donnant-donnant. S’il donne, c’est par calcul, de manière intéressée. Il mesure soigneusement ses dons aux mérites du bénéficiaire. Mais toujours sans largesse, jamais pour faire plaisir ou pour le plaisir de donner. La joie est absente du monde du calculateur.
Une générosité joyeuse et fondée
La générosité est au contraire source de joie. Il est donc normal qu’elle se manifeste à l’occasion des fêtes, des moments de joie et de convivialité. Elle est une façon de partager le bonheur de ceux qu’on aime en y contribuant par des cadeaux. Ceux-ci ne sont pas seulement de l’argent ou des biens matériels, ils peuvent être une présence, une lettre, un coup de téléphone, une invitation, un mot, … un signe d’amour.
Cependant, la générosité ne peut pas se limiter à ces moments heureux. Elle doit s’exercer également à l’égard de ceux qui sont dans le besoin, la souffrance ou l’épreuve. Elle exprime l’attention, la solidarité, l’amour. Elle cherche à aider, encourager, consoler, relever. C’est dans les moments difficiles que la générosité d’autrui nous est la plus précieuse.
Dans la Bible, le motif et le modèle de notre générosité se trouvent dans celle que Dieu a manifestée à notre égard. En nous donnant son Fils Jésus-Christ, Dieu révèle la grandeur de son amour pour nous. C’est ce que déclare l’Évangile selon Jean : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Ainsi tous ceux qui croient en lui ne se perdront pas loin de Dieu, mais ils vivront avec lui pour toujours » (1). Nous sommes là au cœur même du message chrétien, c’est-à-dire de la bonne nouvelle de la grâce de Dieu.
Un jour, l’apôtre Paul a adressé un appel financier en faveur des chrétiens de Jérusalem qui traversaient un temps de détresse matérielle. En invitant chacun à être généreux, il a écrit : « Vous connaissez le don généreux de notre Seigneur Jésus-Christ. Il était riche, mais pour vous, il s’est fait pauvre, afin de vous rendre riches par sa pauvreté » (2). Autrement dit : celui qui est conscient de bénéficier des bienfaits de Dieu ne peut que manifester sa reconnaissance en se montrant généreux à son tour.
Attention aux pièges
La générosité n’est cependant pas à l’abri de quelques dangers. Elle peut par exemple être aveugle et faire plus de mal que de bien. On sait que les enfants gâtés et à qui on ne dit jamais non ont de fortes chances d’être handicapés par leur égoïsme.
Elle peut aussi manquer son but si elle agit de manière arbitraire et incohérente, sans discernement. C’est le cas si elle n’est motivée que par des sympathies passagères et non par les vrais besoins d’autrui. Du coup, elle va et vient un peu au hasard et les bénéficiaires ne savent jamais sur quoi ils pourront compter.
Un excès de générosité peut aussi mettre celui qui donne –ou ses proches—dans une situation financière difficile. C’est pourquoi, dans son appel financier, Paul avait écrit : « Il ne s’agit pas de vous rendre très pauvres pour aider les autres. Non, ce qu’il faut, c’est l’égalité. Maintenant, ce que vous avez en trop servira à ceux qui manquent de quelque chose. Ainsi, un jour, quand vous manquerez de quelque chose, ce qu’ils auront en trop vous servira » (3).
Il ne faudrait pas que la peur de ces dangers paralyse notre générosité. C’est dans la gratuité, dans la liberté de donner, dans la largesse que nous trouverons la joie. C’est bien ce que Dieu nous a montré à Noël.
Synonymes de la générosité
La bonté : la qualité de celui qui cherche à faire du bien à son prochain et donc à ne pas lui nuire, qui fait preuve de bienveillance et de solidarité envers lui, qui pleure avec celui qui pleure et se réjouit avec celui qui se réjouit.
La libéralité : la personne généreuse n’agit pas sous la contrainte, ni même simplement par devoir, mais librement, de son plein gré et avec joie. « Dieu aime celui qui donne avec joie » écrit l’apôtre Paul.
La largesse : il n’y a rien de mesquin chez la personne généreuse. Les cordons de sa bourse ne sont pas étroitement serrés. Quand il est question de générosité dans le Nouveau Testament, un des termes employés évoque la surabondance, le débordement.
La grâce : la gratuité. La générosité ne se contente pas de ce qui est dû, elle va au-delà, elle donne même là où rien n’est dû, où le bénéficiaire n’a aucun droit à faire valoir.