Pour la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée en 1948 par les Nations Unies, la famille est la base de la société.
C’est aussi la conviction des chrétiens pour qui la famille a toujours été considérée comme le fondement de la vie sociale. À leurs yeux, les bases de la famille sont données dans deux textes de la Bible: «L’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et les deux n’en feront plus qu’un» (1), ainsi que: «Soyez féconds, multipliez-vous» (2). Elle se définit donc fondamentalement comme un couple marié et ses enfants.
Évolutions
Sans doute la famille a-t-elle pu prendre, au cours de l’histoire, des formes différentes d’un point de vue sociologique. Il faut aussi noter qu’à différentes époques et en particulier aujourd’hui, des voix se sont fait entendre pour mettre en question ce rôle central de la famille, parfois au nom de régimes totalitaires, pour qui les enfants appartiennent à l’État et non à leurs parents. Plus souvent aujourd’hui, c’est au nom de la liberté individuelle que le mariage et la charge d’enfants sont vus comme des obstacles à l’épanouissement personnel. Cela se reflète dans l’augmentation du nombre des divorces, tandis que beaucoup vivent en couple sans engagement. Les enfants qui naissent sans père connu sont par ailleurs de plus en plus nombreux de même que les familles brisées, monoparentales ou recomposées.
Certains en tirent la conclusion que la famille a fait son temps, qu’elle est une réalité sociale inadaptée et donc, que l’épanouissement des humains doit se chercher dans d’autres directions. Et pourtant, dans le même temps, on constate que c’est d’une vie familiale chaleureuse que la majorité de nos concitoyens attendent les plus grandes satisfactions.
Fragilités
Par ailleurs, le simple fait que la plupart des jeunes qui tombent dans la révolte, la délinquance, l’exclusion, la précarité ont connu un milieu familial malheureux ou une rupture des liens familiaux, nous oblige à reconnaître l’importance de la famille, mais en même temps sa fragilité.
Cette fragilité tient d’abord au fait qu’elle est une réalité humaine, avec tout ce que cela représente de richesses mais aussi de difficultés et de tension inéluctables. Dans une communauté de vie, où l’on est proche les uns des autres, on ne peut jouer un rôle et donner constamment le change aux autres. Et parce qu’on attend beaucoup des autres, on a du mal à supporter leurs faiblesses. Les frottements sont quotidiens et les déceptions douloureusement ressenties.
Cela est d’autant plus vrai que le propre de la famille est de réunir des gens très différents les uns des autres, par le sexe, l’âge, le caractère, les goûts, les compétences, etc.
Or, les humains sont naturellement portés à rechercher la compagnie de ceux qui leur ressemblent, autrement dit à créer des groupes homogènes, c’est-à-dire des clans, où ne sont admis que des semblables, des personnes qui ont les mêmes convictions, les mêmes centres d’intérêt. Les autres n’y ont pas leur place et les déviants sont vite exclus. La famille n’est pas un clan, bien au contraire.
École
La famille est un lieu où l’on doit apprendre à vivre avec des gens différents et qu’on n’a pas choisis. Sans doute, le père et la mère se sont-ils choisis. Mais celui ou celle avec qui ils doivent partager leur vie est souvent très différent de ce qu’ils croyaient au départ. Quant aux enfants, même s’ils ont été voulus, ils ne sont jamais tels que les parents les avaient rêvés. Et, bien sûr, les enfants ne choisissent pas leurs parents. C’est précisément pour cela que la famille est fragile et en même temps le meilleur terrain d’apprentissage de l’amour. On y apprend à accepter les autres tels qu’ils sont, à se faire aux autres au lieu d’attendre que les autres soient faits sur mesure pour nous.
Lieu de grâce
La force de la famille, c’est aussi de permettre à ses membres (et pas seulement aux enfants) de découvrir et de vivre la grâce, l’amour gratuit, immérité, mais sur lequel on peut compter. Nous vivons dans un monde, où règne l’ordre marchand, le donnant-donnant. On n’a rien sans rien, tout est se paie. C’est le monde de la loi, de la rétribution, qui a le grand mérite de mettre un frein à la violence et la vengeance. Mais ce monde est dur pour les faibles, les coupables, ceux qui n’ont rien à donner. Dans la famille aussi, la loi a sa place: les parents doivent discipliner leurs enfants, leur donner des règles de conduite et, parfois, les punir. Mais la loi ne doit pas être le dernier mot. En effet, l’amour des parents n’est pas fonction de l’obéissance des enfants. Il ne se calcule pas. Il est donné, gratuitement, même à ceux qui ne le méritent pas. Chacun peut être sûr d’être aimé, accepté, accueilli, sans avoir à le mériter, sans devoir justifier son droit à l’amour parental.
Le plus beau compliment
Il n’est pas étonnant alors que, pour nous faire comprendre son amour, Dieu se présente à nous comme notre Père et son Fils Jésus-Christ comme notre frère (3). C’est pourquoi aussi, sa famille, l’Église, est une communauté dans laquelle les distinctions nationales ou culturelles (Juifs et Grecs), sociales (esclaves et libres, riches et pauvres), sexuelles (hommes et femmes), intellectuelles (savants et ignorants) ne sont plus des barrières, mais des richesses.