La dépendance, ça se soigne

Complet Réflexion
Interview de Jean-Marc Hoang-Tho* : la médecine ne fait pas de miracle. Toutefois, elle peut considérablement aider celui qui demande son aide.

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La dépendance, ça se soigne

Comment en vient-on à se faire traiter pour son addiction ?

La plupart du temps, le patient est enfermé dans sa honte, sa culpabilité et son sentiment d’échec. Par conséquent, c’est souvent son entourage familial, ou socioprofessionnel, qui l’incite en premier lieu à prendre cette décision difficile. Au début, c’est un peu comme s’il disait : « J’ai envie d’arrêter mon comportement addictif... et j’ai aussi envie et besoin de le continuer ! Aidez-moi ! »

Quel rôle l’entourage peut-il jouer ?

En général, l’entourage oscille entre l’incitation et la contrainte pour amener le malade à se soigner. Cette injonction aux soins peut reposer sur la menace de séparation ou de mise à distance (conjoint, enfants ou petits-enfants), de remise en cause des droits familiaux (assistante sociale, juge des affaires familiales, juge des enfants...). Le médecin peut également mettre en avant les dangers réels pour sa santé s’il poursuit son comportement à risque.
Ces pressions peuvent aider la personne à « se mettre en route », mais elles doivent ensuite laisser la place à une motivation réelle et personnelle. La personne dépendante doit développer un désir intrinsèque « d’aller mieux ». Amplifier le sentiment de culpabilité ne suffira pas pour aider le malade. Il s’agit d’avantage d’augmenter sa confiance en lui-même dans sa capacité à changer, et de nourrir sa motivation.

Quel est le facteur clé pour la réussite du sevrage ?

La motivation du patient. C’est elle qu’il faut travailler avec lui. Le sevrage n’est que le début d’un long parcours de soin. L’arrêt du produit permet de se retrouver, de soigner ses fragilités intérieures, de redécouvrir ses qualités, ses compétences personnelles pour vivre et se reconstruire.

Toutes les dépendances ne se traitent pas de la même manière ?

Dans tous les cas, il faut que l’individu modifie son comportement et/ou sa consommation s’il veut voir sa situation s’améliorer. Cela passera par l’arrêt total d’usage de produits, ou par une gestion contrôlée. Il s’agit moins de traiter les dépendances de manières différentes que de faire une proposition de soin adapté à la personne : ambulatoire ou hospitalisation complète, sevrage avec ou sans cure, postcure ou non. Le parcours doit être individualisé.
Parfois, le patient pourra être traité sans hospitalisation. Quand le sevrage se fait à l’hôpital, les séjours durent une semaine pour le sevrage lui-même. Après quoi, le malade pourra reprendre son parcours de vie, ou être orienté directement vers une phase de consolidation pour un séjour de cure qui peut durer un mois.
Pour les alcoolo-dépendants et les toxicomanes, la phase de soin (sevrage-cure-postcure) repose principalement sur l’acceptation d’un arrêt total des produits. Ceci nécessite un accompagnement médical et un protocole de soin personnalisé.
Pour les personnes dépendantes aux psychotropes, la prise en charge initiale se situe souvent en service de psychiatrie ou dans un service d’addictologie, même si la prise en charge initiale se situe souvent en psychiatrie.

Comment s’opère la sortie du parcours de soin ?

En réalité, le parcours de soin se poursuit. Après sa prise en charge, le patient continue ses soins auprès des acteurs qui se situent dans son environnement direct, et qui intervenaient avant la mise en route des soins. Il s’agit de reconstruire un projet de vie en dehors de la dépendance en faisant en sorte que le soin « guérisse » tous les secteurs de la vie qui ont été altérés par l’usage prolongé du produit ou du comportement. Il faudra peut-être soigner les relations familiales et sociales, répondre aux besoins de logement en prenant en compte les capacités d’autonomie de la personne (retour à domicile, recherche d’un nouveau logement ou cadre de vie, accès à un appartement thérapeutique ou Centre d’Hébergement...). Il est nécessaire de travailler sur tous les axes qui sont des vecteurs de meilleure santé.

Que faire en cas de rechute ?

La rechute fait partie du parcours de soin. « C’est à force de continuer d’essayer à arrêter que l’on parvient à arrêter » disait une tabacologue de mon entourage. Il s’agit alors de reprendre en compte la personne dans sa globalité, corps, âme et esprit, en proposant un parcours de soin individualisé.
La rechute ne doit pas être culpabilisante, mais présentée comme une étape vers « l’aller mieux ». Ce qui a été acquis dans les soins précédents demeure. L’accompagnement thérapeutique centrera ses efforts sur les zones de fragilité du patient. Il l’aidera à prendre conscience de ses compétences et qualités pour maintenir durablement un autre mode de vie. L’offre de soin devra donc s’adapter, proposer une durée de séjour personnalisée, un accompagnement psychologique plus constant. Le suivi médical intégrera les problèmes de santé en lien avec le comportement addictif (pathologies hépatiques, altérations cognitives et atteintes cérébrales, dénutrition, phlébites...). Parallèlement, la prise en charge socio-éducative favorisera l’autonomie de la personne.
Aux côtés des partenaires médico-sociaux, les associations d’entraide (Croix Bleue, Alcooliques Anonymes, Vie Libre...) jouent un rôle important dans la prise en charge et le soin des personnes. Elles sont très appréciées car les patients se savent accueillis par des personnes qui vivent ou ont vécu le même problème.

ET L’ENTOURAGE DANS TOUT ÇA ?
Les proches des personnes victimes d’une addiction peuvent souffrir à plusieurs niveaux :
• Culpabilité liée au sentiment d’impuissance devant la maladie et la souffrance de l’autre.
• Angoisse de voir sombrer la personne jusqu’au point de non-retour.
• Risque de violence au sein de la famille, laquelle peut se détruire totalement.
• Risque d’exclusion sociale.
À noter que la fumée d’un voisin (tabagisme passif) peut provoquer les mêmes conséquences que chez le fumeur.

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Informations complémentaires

*Jean-Marc Hoang-Tho est directeur du centre de Kerdudo à Guidel (Morbihan). Cet établissement de soins de suite et de réadaptation (SSR) de 40 lits reçoit depuis 20 ans un public féminin présentant des troubles addictifs. Les séjours durent de deux à quatre mois.
POUR EN SAVOIR PLUS :
www.Centredekerdudo.Com

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