Trois jeunes partagent le trois-pièces au-dessus de chez nous. Lorsque ses précédents colocataires sont partis, Benjamin était bien content que Matthieu et Christophe répondent à son annonce, car il n’avait pas les moyens de payer seul le loyer. Il savait aussi qu’il s’ennuierait certainement s’il vivait tout seul. C’est beaucoup plus rigolo de regarder un film ensemble, même s’il n’aurait jamais choisi Matthieu et Christophe comme potes. Et c’est très sympa lorsque Christophe se met à cuisiner le weekend !
Au fil des mois, cependant, le vivre-ensemble est devenu compliqué. Ils n’ont jamais réussi à se mettre d’accord sur un « règlement intérieur » et Matthieu s’énerve chaque fois qu’il en est question. Benjamin commence le travail tôt le matin, mais ses colocataires sont des oiseaux de nuit. Et l’état de propreté de la cuisine est lamentable. Ces trois jeunes auraient certainement besoin de mûrir un peu !
Hervé et Karine sont un couple mixte. Ils habitent sur notre palier. Ils s’aiment beaucoup, ils ont l’air de s’entendre parfaitement bien, et ils ont trois enfants encore petits. Il y a un grand respect mutuel dans le couple, et une grande facilité dans les relations avec l’autre. Hervé travaille dansle quartier, et ses collègues passent souvent boire un pot. Karine est d’origine antillaise, et elle reçoit souvent sa famille. À les voir vivre avec tout le monde qui passe chez eux, on pourrait croire que le problème du racisme a été réglé une fois pour toutes. Mais gare au bruit ! Cela ne doit pas toujours être facile pour le couple de personnes âgées qui habitent en-dessous !
Claude et Paulette, justement, viennent de fêter leurs noces d’or. Paulette raconte que leurs premières années de vie de couple étaient très dures, le temps d’accorder leurs violons. Du coup, elle a perdu pas mal d’illusions sur la vie à deux. Mais elle ne regrette pas tout l’effort qu’elle y a investi – on n’a rien sans rien, n’est-ce pas ? – car, aujourd’hui, elle en récolte énormément de bienfaits. C’est beau de les voir ensemble. On sent que leur relation est très profonde.
Pascaline, au quatrième étage, vit seule depuis son divorce. Elle a été trahie par son ex-mari, et elle a du mal à faire confiance aux autres. Heureusement que son chat est là pour lui tenir compagnie ! Elle souffre de sa solitude mais elle n’est pas prête à payer le prix pour en sortir. Avec l’âge qui avance, elle se fait du souci pour l’avenir. Qui sera là pour la soutenir si elle tombe malade ?
Marie-Aude vit dans l’appartement en face de chez Pascaline. Après le départ de son compagnon, elle a élevé ses deux enfants toute seule, mais il y a trois ans, elle a eu un coup de foudre pour Sébastien, arrivé depuis peu dans son entreprise. Très vite, il est venu s’installer chez elle. Maintenant ados, les enfants ont beaucoup de mal à accepter leur beau-père. Ils ont l’impression que leur mère n’a pas tenu compte de leur avis, et que Sébastien ne s’intéresse pas du tout à eux. Marie-Aude se plaint qu’ils font tout pour le dégoûter de la vie de famille recomposée.
En 2018, Hervé a organisé la fête des voisins dans l’immeuble. Sébastien ne cherche pas la relation, et il a trouvé un prétexte pour ne pas venir. C’est son choix ! Depuis ce moment, il y a souvent des enfants qui jouent ensemble et du monde qui discute devant l’entrée de l’immeuble. Pendant le confinement, il y a eu de belles manifestations de solidarité entre résidents.
Un défi toujours devant nous
On parle beaucoup de vivre-ensemble à notre époque, alors que ce n’est pas du tout une invention récente. Nous en faisons tous l’expérience à des degrés très différents : un voyage dans une rame de métro bondée, la vie dans un village, le travail en open-space, le partage d’un même lit…
On fait bien d’en parler, car l’histoire humaine est émaillée de graves atteintes au vivre-ensemble, et de nos jours, nous ne faisons guère mieux. En fait, on n’a jamais fini de construire le vivre-ensemble, à condition, bien sûr, que l’on n’ait pas choisi la solitude !
Tout dépend de nos attentes et de nos exigences. Vivre ensemble ne va pas tout seul. Il faut de la générosité et savoir prendre des initiatives !