Le 26 décembre 2004, nous nous apprêtons à atterrir à Madagascar. Une fillette de 5 ans et son frère de 8 ans nous attendent. Nous allons devenir leurs parents. Au même instant, un tsunami ravage l’océan Indien. Notre projet d’adoption semble dérisoire face à ces milliers d’enfants qui vont se retrouver orphelins. Il va pourtant bouleverser notre vie et celle de notre famille.
Une relation éprouvante
Les trois premières années sont celles du bonheur. L’adoption semble réciproque. Quand un enfant glisse sa main dans la vôtre et vous appelle « papa, maman » : tout s’illumine ! Mais peu à peu, la distance surgit : « Vous n’êtes pas nos parents. Pourquoi nous avez-vous adoptés ? » La contestation puis le rejet s’installent. Les résultats scolaires sont en chute libre. À cela s’ajoutent les addictions, les copains toxiques, le mutisme et les mensonges. Nous sommes convoqués par la police, chez le proviseur, aux urgences médicales... Nos enfants adoptifs nous échappent et rien ne semble pouvoir enrayer cette spirale descendante. Nos deux enfants biologiques nous observent avec consternation.
Le doute s’insinue
Pourquoi faire venir en France des enfants que leur mal-être conduit progressivement à s’autodétruire ? Notre foi en Dieu est malmenée. Nous avions un cœur pour accueillir des enfants privés de parents et pensions que l’amour inconditionnel était l’arme absolue pour réparer les pertes de toute nature. Nous voilà confrontés à nos limites. Aimer sans aucun retour significatif, pendant des années, érode nos convictions. Nous sommes profondément blessés. Notre couple est mis à mal car les perceptions diffèrent et chacun cache et soigne ses plaies comme il peut.
Un changement d’attitude
Toutefois la communication n’est pas totalement coupée. Nous restons leurs parents et la maison un repère. En 2015, Pierre fait alors une rencontre bouleversante avec le Christ qui marque un nouveau départ dans la vie de famille. Nous comprenons que l’amour inconditionnel n’est pas toujours suffisant pour attirer l’autre ; il peut même repousser.
Nous portons un nouveau regard sur la situation avec nos enfants et, pour moins souffrir, réalisons que nous devons être moins dépendants d’eux sur le plan affectif. Nous adoptons une posture d’éducateur et devenons bien plus efficaces dans nos actions et réactions.
Peu à peu le dialogue s’installe ; les attitudes changent. On arrive à dire qu’on s’aime et, pour nos enfants, les yeux s’ouvrent doucement sur la possibilité d’une vie pleine d’un sens venu d’en haut.