Il y a aujourd’hui des partis pris qui voudraient nous rendre le mal sympathique.
Les « lignes idéologiques » ont bougé. La notion de mal est devenue très relative.
Même si ce n’est pas le propos de l’excellente biographie de Philippe Godeau mettant en scène le célébrissime braqueur Toni Musulin, c’est la lecture que je vous propose d’en faire.
Un braqueur sympathique ?
Toni, incarné par François Cluzet, nous est présenté comme un personnage assez mystérieux, un être peu bavard, assez brutal et dont la psychologie semble souffrir de quelques brèches. C’est le moins que l’on puisse dire : dérober 11.6 millions d’euros à son employeur requiert une certaine dose de perversité et de malice. Et pourtant, Toni est devenu la star, le héros du moment. Souvenez-vous : c’était en 2009. Comme d’autres, vous aussi avez peut-être laissé échapper un sifflement admiratif devant « l’exploit » de cet homme. C’est le doute que laisse planer le réalisateur sur le plan machiavélique du braqueur non violent : bien qu’il se soit rendu à la justice avec son considérable butin, ce sont 2,5 millions d’euros qui n’ont jamais été retrouvés.
Dans notre société sans repères, où le hasard et l’individualisme remplacent la Providence et la morale, un tel pactole fait rêver.
Applaudir le vol ?
Le buzz incroyable suscité par le crime du convoyeur de fonds saluait non seulement son audace mais aussi et surtout son côté « Robin des Bois ». C’est en effet par vengeance que Toni a agi. Son patron et ses méthodes lui étaient devenus insupportables. La voilà, pour beaucoup, l’incarnation du « mal » de nos jours. Pour eux, l’odieux, c’est le « Capital » dont le profit insolent ne provient que du « vol » des masses laborieuses. Le voleur, c’est donc à leurs yeux l’autre, le patron, la multinationale et ses actionnaires. Les voler c’est rendre justice puisque c’est s’emparer des biens du… Mal absolu. Plus le geste est culotté et plus il est applaudi. Tiens, ça me rappelle ce que disait Asaph dans la Bible lorsqu’il se sentait humilié dans sa condition et qu’il enviait ceux qui « réussissent »…
Musulin, quand il sortira de prison, aura sans doute du mal à profiter de son « magot » de plus de deux millions d’euros, cachés Dieu seul sait où. « Toni, c’est pas l’argent qu’il aime, c’est gagner ! » lâche l’acteur Bouli Lanners, collègue du voleur dans le film. Permettez-moi de lui préférer une autre parole de Jésus, star incontestée du Web de tous les temps : « À quoi servirait-il à un homme de gagner le monde entier s’il perdait son âme ? »
- Toni, je ne sais pas, mais moi, j’ai choisi mon camp, celui du contentement ! Et vous ?