Interview de Nicolas Frei par Anne-Marie Delaugère
Nicolas Frei est « sorti » de la pornographie il y a une quinzaine d’années. Il est aujourd’hui marié et père de trois enfants. Ses conférences et ses « talks » ont fait le buzz ; son atelier (et cours en ligne) « 90 jours pour abandonner la pornographie » a touché des centaines de personnes en Suisse romande. Aujourd’hui, il forme des personnes pour accompagner celles qui sont porno-dépendantes et les aider.
POURQUOI ÊTRE ACCOMPAGNÉ ?
La dépendance à la pornographie, c’est souvent la partie émergée de l’iceberg. Pour s’en libérer, les ateliers c’est bien, les conseils aussi, mais il manquait un réseau, un tissu de personnes prêtes à comprendre, aider, soutenir les porno-dépendants. D’où l’idée de former des personnes pour les accompagner au quotidien.
QUEL RÔLE POUR L’ACCOMPAGNATEUR ?
Ce n’est pas un thérapeute. Il est là comme un ami disponible pour écouter. Il encourage les petits commencements, relève les bonnes dispositions. Sa mission est de marcher à côté sur une base régulière, que ça aille bien ou pas. Cela se mesure sur des semaines, des mois, voire plus. C’est plutôt un marathon qu’un sprint.
QUELS OUTILS ?
Les accompagnateurs sont formés aux mécanismes et cycles de l’addiction.
Quand on est dépendant, on ne fait pas ce que l’on a envie. C’est important de le comprendre. On peut même avoir conscience que ce que l’on fait nous détruit. La formation est basée sur des recherches scientifiques, entre autres sur la neuroplasticité du cerveau. L’accompagnateur se situe dans une dynamique de coaching pour aider l’autre à dégager sa propre motivation à sortir de la dépendance.
EN QUOI LA MOTIVATION EST-ELLE IMPORTANTE ?
La motivation donne la raison de se battre. C’est important de développer un objectif positif si l’on veut s’en sortir. De savoir pour quoi, et pas contre quoi, on se bat.
DANS VOTRE CAS ?
Dans la perspective de mon mariage, j’avais envie d’une sexualité épanouissante. J’avais conscience que la pornographie ne me permettrait pas de vivre une relation d’intimité conjugale. Ce chemin vers la libération m’a pris une année.
J’avais déjà eu un premier déclic quand j’avais compris que la pornographie et le trafic d’êtres humains étaient étroitement liés et que chacun de mes « clics » contribuait à une industrie qui faisait des victimes des deux côtés de l’écran.
PARLE-T-ON AUJOURD’HUI SUFFISAMMENT DE CETTE DÉPENDANCE ?
Il y a quinze ans, c’était tabou. Aujourd’hui, on ose reconnaître qu’on regarde de la pornographie, mais dire que l’on est dépendant, c’est autre chose. Beaucoup de personnes sont dans le déni et ne savent pas qu’il existe des solutions pour s’en sortir. Leur vie s’en trouve paralysée.
VOTRE SITE S’APPELLE « INNOCENCE ». POURQUOI ?
C’est la notion de revenir à l’origine de qui nous sommes, peut-être aussi à la naïveté de l’enfance. Par exemple, dans les ateliers, nous proposons aux participants d’apporter une photo d’eux enfant. Avec la pornographie, notre innocence nous est volée en partie. C’est une étape importante pour la retrouver.
Pour en savoir plus
https://www.innocence.ch
https://www.croirepublications.com/croire-et-vivre/temoignage/ article/libere-deux-fois-de-la-pornographie https://www.youtube.com/watch?v=whOhBeBir5U&list=PLteCavzyc nh9jk9QoFMSDxkOoDLbDchYl