Le syndrome de l’imposteur, ce sentiment de ne pas être à la hauteur, touche bien des individus. Pourtant, pour une personne en situation de handicap, comme moi qui suis malvoyante, ce doute peut prendre une ampleur particulière. La question de la légitimité, du droit d’occuper un espace, de prendre la parole, ou de mener des actions, devient alors omniprésente. Dans un monde où le fait de « voir » semble conférer une forme naturelle d’autorité, il est parfois difficile de ne pas ressentir une certaine fragilité. Comme si ce que je ne pouvais pas percevoir avec mes yeux devait automatiquement me rendre moins légitime dans ce que je fais ou dis.
Chaque jour, j’avance dans un monde qui m’est en partie invisible, mais que j’ai appris à comprendre différemment. J’accomplis des actions, je m’exprime, je prends des décisions. Pourtant, à chaque nouvelle prise de parole ou à chaque nouvelle responsabilité, il y a ce moment où le doute m’envahit. Une petite voix intérieure commence à chuchoter : « Es-tu vraiment à ta place ? » ou « Pourquoi toi ? Comment peux-tu prétendre parler ou agir alors que… ? »
Ce doute qui se nourrit de mon handicap se transforme parfois, malgré moi, en un sentiment honteux. Il y a des fois où je me dis que le simple fait de ne pas voir, me prive du droit d’avoir un avis ou de mener des actions que d’autres réaliseraient sans hésiter. Il ne s’agit pas seulement de la peur d’échouer ou de décevoir, mais bien d’une sensation plus profonde, celle de ne pas avoir le droit d’être là, d’être active.
Paradoxalement, ce handicap m’a offert des capacités de perception différentes, des moyens de comprendre le monde avec une sensibilité unique. Mais face au syndrome de l’imposteur, cette richesse se dissipe parfois, laissant place au doute. C’est une lutte intérieure constante pour rappeler à cette voix critique que ma valeur ne réside pas dans ce que je vois ou ne vois pas, mais dans la manière dont j’aborde la vie et partage mes expériences.
Il n’est pas rare d’entendre des témoignages qui rejoignent le mien, que l’on parle de handicap visible ou invisible. Le syndrome de l’imposteur s’insinue dans nos esprits, nous faisant croire que nous ne méritons pas notre place, que nos manques nous disqualifient. Pourtant, la légitimité n’est pas fondée sur ce que nous voyons, entendons ou ressentons, mais sur l’expérience, la sagesse et la manière dont nous nous engageons et ouvrons notre cœur pour entrer en relation avec l’autre. Pour moi, cette lutte intérieure est apaisée par une source inestimable de réconfort : ma foi en Jésus-Christ. C’est lui qui, chaque jour, me rappelle que je suis aimée, que je suis guidée et que ma valeur dépasse de loin les perceptions humaines. Sa présence à mes côtés est une ancre qui me permet de traverser ces doutes avec patience et une persévérance pleine d’espérance. Quand la petite voix du syndrome de l’imposteur réapparaît, c’est ma foi qui me dit que j’ai une place, une mission, et que je ne marche jamais seule. Avec cette conviction, je peux avancer avec sérénité, confiante dans le fait que ma légitimité ne dépend pas de ce que je vois, mais de la lumière que je porte en moi.