Les apôtres, ces témoins de Jésus, furent accusés d’avoir mis le monde entier sens dessus dessous (Actes 17.6). C’était en fait leur message qui était ainsi traité de « révolutionnaire » ; c’était le Jésus dont ils parlaient à tout l’Empire romain qui risquait de révolutionner le monde. L’histoire humaine, en tout cas dans sa chronologie, est coupée en deux : avant et après Jésus-Christ. Selon le récit des évangiles puis des Actes des apôtres, quelques femmes commencent à annoncer la résurrection de Jésus ; les disciples, ceux qui étaient là depuis le commencement, se joignent à elles, et surmontent ainsi la crise de la crucifixion. Le jour de la Pentecôte, ce sont quelques milliers de personnes qui se joignent au groupe. Puis quelques dizaines de milliers ; en trois siècles, c’est la moitié de l’Empire qui est touchée. Les disciples de Jésus ont transmis au monde entier la connaissance du Dieu d’Abraham et du peuple d’Israël.
Notre histoire, dans ses divers aspects – culturel, philosophique, artistique, social – est marquée par la pensée de Jésus et du Nouveau Testament. Certes, la pensée de Jésus ne se transmet pas, au fil des siècles, sans déformation. Dans le meilleur des cas, elle est intégrée et produit des effets bénéfiques ; d’autres fois, on le sait bien, elle est déformée, voire pervertie et attachée à des causes qui lui sont contraires. Mais malgré ces égarements, on doit constater qu’elle n’a cessé d’influencer le monde, jusqu’à aujourd’hui. Prenons quelques exemples.
Le respect de la personne humaine
Parmi les aspects marquants de la pensée de Jésus, il faut citer le regard porté sur la personne humaine. On ne peut évidemment pas dire que dans l’Antiquité, la notion de dignité de l’être humain n’existait pas. Mais il faut bien reconnaître qu’elle était limitée à quelques-uns, comme le montre concrètement l’ampleur de la pratique de l’esclavage. Jésus porte sur les êtres humains un regard qui ne s’arrête pas au statut social mais qui voit l’ouverture et la foi. Il s’adresse aux femmes comme aux hommes, valorise les petits et non les grands, touche les exclus et les réintègre, considère chacun comme un être responsable, susceptible d’entendre le message divin et d’y répondre.
L’apôtre Paul va traduire ce regard dans le langage du monde gréco-romain de son temps et prononcer ces paroles décisives : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ » (Galates 3.28). Les esclaves ne s’y sont pas trompés, qui adhèrent nombreux à la nouvelle foi chrétienne ; les femmes non plus, qui prennent la parole dans les rassemblements publics de l’Église.
Le livre pour tous
L’histoire de Jésus a été mise par écrit, dans un langage compréhensible par tous, et largement diffusée dans les premières Églises. Alors que la littérature visait normalement l’élite de la société, avec les premiers écrits chrétiens, on assiste à l’élaboration d’une œuvre littéraire de qualité, mais accessible à tous et de portée universelle. Le « livre » (le codex) que les chrétiens seront les premiers à utiliser à grande échelle sera le support de cette littérature. On retrouvera le même phénomène lorsque les presses de Gutenberg seront mises en premier lieu au service de l’impression de la Bible, et quand les missionnaires de l’ère moderne apporteront dans diverses parties du monde les moyens de mettre par écrit les langues locales et de traduire l’Évangile.
Le renversement des valeurs
En naissant dans une étable, en se disant petit parmi les petits, en affirmant que le plus grand est celui qui se met au service des autres, Jésus renverse une échelle de valeur universelle qui ne cesse de revenir à la charge : le pouvoir, le statut, l’honneur viennent en premier. Jésus sait qu’il en est ainsi dans le monde (Matthieu 20.25), mais offre à ceux qui veulent le suivre une autre voie. Les chrétiens, lorsqu’ils ne se laisseront pas gagner par la hiérarchie humaine courante, s’inspireront de ce message de Jésus pour partir à la recherche de ceux qui sont méprisés, abandonnés, rejetés, faibles, notamment des enfants, des veuves, des malades, etc.