Qu’est-ce qui va bouger ou changer, dès lors que l’on admet l’existence des influences démoniaques et qu’on leur accorde une place prééminente dans la doctrine et dans la vie chrétienne ? Au niveau de la théologie systématique, ce sujet touche à la fois la doctrine de Dieu et celle de l’homme. Par exemple, en admettant l’existence des êtres ou des forces démoniaques, on suscite forcément des questions par rapport à l’origine du mal et sa responsabilité dans le monde. Qu’en est-il de la liberté de l’homme, du péché, de la souveraineté de Dieu ? Nous devons également revisiter notre conception de la création. Comment comprendre qu’au commencement elle était bonne (Genèse 1), et qu’elle fait toujours l’objet de la providence de Dieu ?
Avant d’aborder ces questions fondamentales, suscitées par la pastorale de délivrance, nous voulons mettre un coup de projecteur sur deux exemples concrets de pratiques courantes dans les milieux évangéliques. Ensuite, nous essaierons d’y voir plus clair à la lumière des développements dans la société en général.
Nous avons sélectionné un exemple d’accompagnement pastoral de délivrance dans le contexte d’une Église locale, et un exemple d’un ministère de délivrance dans le contexte d’une conférence inter-Églises(1).
Exemple 1. Journée « Rencontre »
Dans le premier cas, nous sommes dans une Église de Pentecôte, plus précisément au sein d’un groupe de nouveaux croyants. On voit comment la délivrance fait partie de leur chemin de conversion. Dans un passé récent, les participants ont déjà fait la démarche personnelle de consacrer leur vie à Jésus-Christ. Après cela, ils ont également reçu le baptême dans l’Esprit, par imposition des mains. Maintenant ils sont conduits dans une séance de délivrance.
L’Église dont ils font partie, propose un cours de disciples à ceux qui ont suivi un cours Alpha et qui veulent aller plus loin. Ce cours consiste en sept soirées à thème, par exemple « prier comme Jésus », « amertume et pardon », suivies d’une journée (samedi) autour du thème « identité et autorité ». Dans l’annonce de cette journée, il est indiqué que les participants auront une expérience de « rencontre » (encounter), à savoir une rencontre avec Dieu. Cette expérience est modelée sur l’histoire de Jacob et sa rencontre avec Dieu à la rivière du Yabboq : comme Jacob a lutté avec Dieu et a renoncé à ses idoles, recevant un nouveau nom et une nouvelle identité, les participants vont vivre, eux aussi, une véritable transformation.
Pendant le programme du matin, ils écoutent un exposé sur la vraie identité d’un croyant en Christ, l’idée centrale étant que chaque être humain est destiné à vivre en relation avec Dieu le Père. L’intervenant insiste sur le fait que Dieu a un cœur de Père, et à quel point notre image de Dieu est déterminée par l’image que nous avons de notre père naturel. Vers la fin de la matinée, le groupe doit comprendre combien il est important de pardonner à nos pères biologiques le manquement à leur devoir de nous montrer l’image d’un Dieu Père. Le message se résume ainsi : « Le pardon est la clé de la restauration de l’image de Dieu comme Père ». Ensuite, une prière écrite est distribuée. Sous la direction de l’intervenant, chacun répète les paroles de cette prière à haute voix.
Pendant le programme de l’après-midi, le concept de l’identité est développé dans un exposé sur « l’autorité spirituelle ». Les participants apprennent que des démons peuvent influer sur la vie des croyants et qu’il est nécessaire d’être libéré de ces puissances afin de vivre une « vie victorieuse », aussi appelée « vie de vainqueur ». L’influence des démons et des puissances est passée par des portes d’entrée démoniaques. Pour visualiser cela, l’intervenant présente l’image d’un corps avec plusieurs ouvertures, qui sont autant de portes d’accès pour des puissances maléfiques. Notons au passage que cette représentation ressemble beaucoup à la manière dont le philosophe Charles Taylor décrit l’homme comme un « moi poreux »(2).
Le groupe entend que ces portes d’accès au mal peuvent résulter (1) de la désobéissance, (2) du traumatisme émotionnel, (3) de vœux intérieurs, (4) de malédictions, et (5) du refus de pardonner.
C’est pourquoi il est important de repérer ces possibles « portes d’entrée ». Afin de les aider à en faire une cartographie, les participants reçoivent un questionnaire très élaboré, réparti en plusieurs catégories de péchés. Ensuite, ils sont invités à lire la liste attentivement et à cocher les péchés qui jouent un rôle dans leur vie. Après quoi, ils doivent confesser ces péchés par une prière personnelle.
Le questionnaire énumère beaucoup de catégories, allant d’une liste d’émotions négatives telles que la colère, la peur, l’inquiétude… jusqu’à une liste de pratiques occultes comme la clairvoyance et les séances de spiritisme.
Après avoir travaillé les listes et coché toutes les cases possibles, les participants doivent les mettre dans un destructeur de documents posé sur le devant de la salle, à côté d’une grande croix en bois. Autour de cette croix se trouvent plusieurs équipes de deux accompagnateurs, prêtes à prier avec ceux qui le souhaitent.
Exemple 2. Conférence de délivrance
Dans le deuxième exemple, nous sommes dans les locaux d’une Église pentecôtiste, en 2007, où se déroule une conférence de délivrance, organisée et animée par une association indépendante pour la pastorale de délivrance. Cette association est dirigée par un pasteur itinérant qui travaille avec une équipe composée de nombreux bénévoles de son Église. Ils ont loué les locaux de l’Église locale pour deux jours.
L’association s’occupe de tous les aspects de la conférence. Il y a une équipe de louange, une équipe......