Comment une Église peut-elle rayonner dans sa zone d’implantation ? Cette question à elle seule laisse présager qu’il y a un enjeu à rayonner là où nous sommes (ou résonner pour être en phase avec la thématique FEEBF 2019). Longtemps l’Église était au centre du village, et quand le village devenait ville, au centre du quartier... cette réalité demeure architecturale quand on traverse nombre de nos communes, mais elle n’est plus forcément une réalité existentielle. L’impact d’une communauté chrétienne sur les citoyens a grandement perdu de sa force, et la position « sociale » du prêtre ou du pasteur a bel et bien changé... Alors, je vous propose d’essayer, ici, de réfléchir à cette question, d’abord brièvement sur le sens même de ce besoin, puis ensuite de façon très pratique en partageant autour de mon expérience acquise en une vingtaine d’années de ministère pastoral dans des environnements différents(1).
A. Ici ou ailleurs ?
« Être ici ou ailleurs... qu’importe... l’important est d’être témoin du Christ » me direz-vous ? Une remarque qui fait sens mais qui n’est pas totalement juste à mes yeux. À moins, bien sûr, de mettre de côté l’idée même que Dieu puisse conduire nos pas, tracer un chemin, émettre des projets pour nos vies.
Les pages de nos bibles regorgent de récits où Dieu conduit précisément des hommes et des femmes à aller dans une ville particulière, s’y installer, ou juste y passer, rencontrer une personne spécifique, etc. Intéressantes aussi les précisions de localisation qui nous sont données, parfois sans grande importance (a priori), mais nous permettant de contextualiser, de mieux comprendre les enjeux, l’entourage ou les circonstances. Quand Jésus raconte la parabole dite du bon Samaritain, il commence ainsi : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho... » Pour ceux qui entendent cette histoire, les choses sont claires. Cet homme marche sur le chemin pierreux du Wadi Qelt. Huit cents mètres de dénivelé pour ce chemin brûlant, risqué et dangereux où il ne fait pas bon s’aventurer seul. Et la parabole fait alors sens par ces précisions données.
Il est important de considérer le lieu où Dieu nous plante. Il y a là un enjeu essentiel et quasiment stratégique qui nous permet notamment d’approfondir notre réflexion :
« Le Seigneur Dieu prend l’homme et il le place dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. » (Genèse 2.15)
Dieu a choisi de placer l’homme en ce lieu spécifique, plutôt que de le placer au hasard sur la surface de la Terre en lui disant « Bonne chance... j’espère que vous y arriverez ! » Une option qui aurait été extrêmement frustrante à mes yeux. Mais non, au contraire... Dieu s’est directement impliqué dans l'endroit où l'humanité s'est retrouvée. Cette pensée devrait nous réconforter et, de la même façon, nous pouvons croire qu’il a des endroits spécifiques pour nous à certains moments de notre vie. Nous pouvons alors lui faire confiance pour nous guider et nous diriger vers ces lieux.
En Éden, il y avait en plus du travail à faire... cultiver et garder ! Comme si ce jardin d'Éden ne pouvait se débrouiller seul, sans Adam et Ève. Nous comprenons qu’ils devaient être les intendants de ce que Dieu leur avait donné.
Dans la même pensée que ce que nous délivre ce jardin, nous pouvons aussi entendre cet extrait du Psaume 1 : « Il sera comme un arbre planté près d’un courant d’eau. »
Les psaumes sont riches en expressions métaphoriques. L'homme que Dieu bénit est comme un arbre planté près d’un courant d'eau. L'eau fournit la source pour que les racines deviennent fortes et profondes. Nous ne voyons généralement pas les racines, mais nous remarquons sûrement les fruits. Quand Dieu plante nos vies dans un certain endroit, son but est alors naturellement de nous y bénir. Même si les circonstances peuvent parfois nous amener là où nous ne voulons pas aller, même si les saisons sont aussi parfois difficiles à vivre, nous pouvons compter sur la providence de Dieu.
Cette réflexion me semble tout à fait valable tant à l’échelle personnelle que communautaire, bien évidemment. C’est donc à partir de cette base théologique que nous pouvons réfléchir à l’importance du rayonnement dans la ville, et plus particulièrement encore, à celui dans le quartier où nous nous situons.
B. Villes ou quartiers
Le développement de nos communautés a parfois tendance à oublier cette dimension spirituelle. La recherche de la pensée de Dieu quant au lieu précis d’une implantation n’est plus systématiquement la véritable priorité. Nous sommes souvent davantage influencés (ou contraints) par des aspects pratiques, et surtout financiers. Je parle là éventuellement de la ville, mais plus précisément du quartier. La zone industrielle peut devenir, par exemple, le repli « stratégique », quitte même parfois à jongler avec la légalité pour y arriver. Loyers moins chers, finis les problèmes de parkings et de gêne avec le voisinage... Mais est-ce bien la solution ?
Si je fais une distinction entre ville et quartier, c’est bien sûr parce que, suivant les contextes urbains ou ruraux, ...