Définition
Un mot nouveau est né « homoparentalité ». Il a fait son entrée dans le Grand Robert en décembre 2001. Il désigne un état de fait ; il y a des couples homosexuels qui ont la charge d’enfants, soit après un divorce, soit parce qu’ils ont adopté un enfant en cachant leur homosexualité. Mais c’est aussi une revendication des mouvements homosexuels : le droit pour eux d’avoir des enfants et d’être reconnus pour une famille « comme les autres », droit qui existe déjà en Suède et aux Pays-Bas. En France l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL), qui milite pour ce droit, compte 1.400 adhérents, et évalue entre 50.000 et 100.000 le nombre de familles homoparentales en France. Ce dernier chiffre fourni par des militants est évidemment à prendre avec une extrême prudence et recouvre en tous cas des situations extrêmement différentes : un adolescent dont les parents ont divorcé et qui préfère aller vivre avec son père homosexuel, un homosexuel qui a eu des relations hétérosexuelles, etc.(1)
Un droit qui n’existe pas… encore ?
Le pacte civil de solidarité (PACS), instauré en octobre 1999, ne confère aucun droit en matière de filiation. Les lois de bioéthique de 1994 précisent que l'assistance médicale à la procréation (AMP) est réservée aux couples stables (mariés ou concubins depuis au moins deux ans) composés d'un homme et d'une femme(2). En revanche la loi française permet depuis 1966 à un célibataire d’adopter. Ce qu’il faut savoir, c’est que ce n’est pas la loi qui interdit à une personne qui se déclare homosexuelle d’adopter un enfant mais que c’est la jurisprudence qui y fait obstacle. Ainsi un couple d’homosexuelles qui s’était vu refuser l’agrément en vue d’adopter par le conseil général du Jura, a porté l’affaire devant le tribunal administratif de Besançon qui lui a donné raison au motif que l’homosexualité n’était pas légalement un empêchement. Le conseil général a fait appel et c’est finalement la plus haute instance administrative, le Conseil d’État, qui dans son arrêt du 5 juin 2002 a confirmé sa jurisprudence constante depuis 1996 : l'homosexualité fait à elle seule obstacle à l'agrément.
Un homosexuel qui s’était également vu refuser l’agrément par le Conseil d’État a porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière a confirmée, en février 2002, la légitimité du refus d'agrément à un individu désirant adopter, du seul fait de son homosexualité(3).
On le voit, le seul obstacle c’est la jurisprudence et l’on sait qu’une jurisprudence peut évoluer. Par exemple, le tribunal de grande instance de Paris a reconnu, le 27 juin 2001, à une femme le droit d'adopter (en adoption simple) les trois enfants mineurs de sa compagne, conçus par insémination artificielle. Le député Renaud Muselier a déposé une proposition de loi pour combler ce vide juridique en ajoutant à l´article 343-1 du code civil qui dit :
« L´adoption peut être demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans », la phrase « et ne vivant pas en couple avec une personne de même sexe ».
Et l’intérêt psychologique de l’enfant ?
L’intérêt psychologique de l’enfant ne devrait-il pas faire l’unanimité contre l’homoparentalité ? La psychologue Pascale Lemare résume : « Pour la psychanalyse … l’enfant a besoin qu’on lui fournisse des modèles identificatoires, le petit garçon a besoin de se valoriser dans un relation avec une image d’homme qui le virilise, et la petite fille avec une image qui incarne la féminité. » Prenant le cas paradoxal d’un garçon dans un couple de lesbiennes ou d’une fille dans un couple d’homosexuels, elle signale qu’« on l’expose à des difficultés psychologiques. L’enfant…doit soutenir par sa présence même…qu’il est issu de ce couple, ce qui n’est pas possible. Il est donc mis en situation de soutenir que l’impossible est possible »(4).
Face aux affirmations des couples homosexuels qui prétendent être « des parents comme les autres », ce que Pascale Lemare appelle « le déni insistant de la particularité de l’homoparentalité », elle cite comme un rappel à la réalité la réaction d’un enfant dans un couple de lesbiennes « Moi je n’ai pas de papa. J’en voudrais un, je vous veux bien toutes les deux, mais je veux un papa en plus. » Et la quasi-mère de répondre : « Tu as deux parents qui t’aiment très fort, à l’école tu as plein de copains, tu as une maison, tu as un chat, tu n’es pas malheureux »(5)…
Pourtant les psychanalystes sont loin d’être unanimes, et Pascale Lemare termine son article sur une citation de la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parsifal : « un enfant doit savoir qui est son père, qui est sa mère, et qui a participé à sa mise au monde. Mais l’important est qu’il soit élevé par deux personnes avec une vie psychique et relationnelle équilibrée, fussent-elles du même sexe » ("Le Monde", 12 juin 2000)(6). Une autre psychanalyste de renom, Elisabeth Roudinesco dans un ouvrage récent(7) reproche, à ses collègues psychanalystes leur difficulté à « penser le mouvement de l’histoire » et donc l’inévitable légitimité d’une famille homoparentale. Les « psy », on le voit, n’offrent pas un front uni. Or d’autres, avec la redoutable caution de la science, s’emploient à contredire l’opinion suivant laquelle être élevé par un couple homosexuel serait nuisible à l’enfant.
Caution scientifique
Un médecin psychiatre français est venu apporter l’appui de la « science » à l’homoparentalité : "Le Monde" du samedi 28 octobre 2000 livrait sous le titre « La vie ordinaire des enfants de parents homosexuels » les conclusions de la thèse de doctorat de Stéphane Nadaud qui « conclut que le développement psychologique des enfants élevés par des parents de même sexe est normal. Selon ce travail, ils sont un peu moins sociables que la moyenne, mais plus actifs et ont une capacité d´adaptation supérieure ». Il faut signaler que cette étude ne se base pas sur des entretiens avec ces enfants mais uniquement sur la réponse des parents homosexuels à des questionnaires psychologiques sur l’enfant(8).
Aux États-Unis, des études psychosociologiques ont été menées ; voici le résumé qu’en donne Pascale Lemare(9) :
- ce sont des enfants stressés soit par le jugement de l’entourage soit par des causes internes au couple. Mais ils apprennent à gérer ce stress et ne développent pas pour autant de problèmes psychologiques ;
- ils deviennent des adolescents critiques par rapport au couple homosexuel ;
- adultes, leur orientation sexuelle serait similaire au reste de la population à ceci près que 24% d’entre passent par une expérience homosexuelle.
Résumons : aux objections de la psychologie - la difficulté pour un enfant dans cette situation d’acquérir une identité sexuelle - et de la sociologie - le risque de marginalisation sociale - ces études répondent : ces enfants s’en sortent quand même. À quoi on répondra : ce n’est pas parce que ces enfants s’en sortent « quand même », que c’est une bonne situation pour eux.
Ne pas occulter la différence
Il me semble que dire qu’il suffit que ce soit un couple homosexuel équilibré ou se fonder sur l’approche psychosociologique c’est en rester à la surface des choses et occulter la nature et la réalité de l’homosexualité. Comme le fait remarquer le psychanalyste Tony Anatrella « la relation homosexuelle est en contradiction avec tout ce que représente le lien conjugal » car « la psychologie homosexuelle tient sa structure de l'exclusion de l’autre sexe »(10). À cause de cette exclusion elle est par nature anti-sociale. Éric Dubreuil le président de l’APGL dit très significativement que le droit « n’a pas à intervenir dans la structure familiale » et que son rôle est « identificatoire »(11). Derrière la revendication d’homoparentalité se cache donc une revendication identitaire de reconnaissance sociale de la part des homosexuels, demande paradoxale puisque ces mêmes homosexuels refusent la société dans ce qui la fonde : la distinction des sexes.
La réalité du vécu des couples homosexuels devrait également faire réfléchir. Tony Anatrella signale que la nécessité d’une aide psychologique « à ceux qui partagent une vie commune pour trouver des voies de communication est fréquente. Surtout au sein d'une relation homosexuelle, où l’agressivité, la jalousie et l'instabilité de ce lien occupent une partie de l'énergie psychique des partenaires. »(12). « Agressivité » « jalousie » « instabilité » ne créent pas vraiment un contexte familial idéal.
Enjeu de société
On voit bien l’enjeu que représente l’homoparentalité pour des militants qui présentent l’homosexualité comme une cause. Elle permet de renforcer l’identité homosexuelle comme identité parallèle et de poser le couple homosexuel comme équivalent à la famille. Cette revendication identitaire rencontre dans l’individualisme et le relativisme contemporains des terrains favorables. Les résistances à ce mouvement viennent du côté de psychologues et de psychanalystes qui pensent que la différenciation sexuelle est essentielle à la constitution de l’enfant mais ils ne sont pas unanimes et des études psychosociologiques viennent affaiblir leur position. Reste la loi qui va dire : voilà quelle société nous voulons. Le philosophe Michel Foucault, homosexuel lui-même, avait très bien discerné les enjeux : « Le grand jeu de l’histoire, c’est à qui s’emparera des règles, qui prendra la place de ceux qui les utilisent, qui se déguisera pour les pervertir, les utiliser à contresens et les retourner contre ceux qui les avaient imposées… »(13). Quelle société voulons-nous ? Écrivez donc à votre député ou allez le voir pour lui demander ce qu’il en pense…