A- Pourquoi une célébration ouverte de Pâques en vaut la peine ?
S’il y a deux dates où nos contemporains sont prêts à envisager de venir découvrir un culte et où nous sommes prêts, en tant que communautés, à faire un effort tout spécial pour les accueillir, ce sont bien celles de Noël et de Pâques.
Si, pour Noël, l’habitude de prévoir un culte spécial est assez répandue, c’est moins souvent le cas pour Pâques. Pourtant, en ce qui concerne les fêtes chrétiennes devenues traditionnelles, Pâques est bien plus proche du cœur théologique du monde évangélique que Noël. La Résurrection est, en effet, la réponse du Père à la crucifixion du Fils pour nos péchés, que nous proclamons comme au cœur de notre foi. Noël, pour sa part, est le début de l’histoire du Fils de l'homme, histoire qui est dirigée vers sa fin, à savoir son élévation sur la Croix et à la droite du Père (Jn 3.14 ; 8.46 ; 12.32-33).
Deux difficultés se présentent cependant à nous. La première, c’est de redécouvrir, en tant que communautés, l’importance de la résurrection du Christ. Son importance faisait dire à Paul : “… si Christ n’est pas ressuscité, notre prédication n’a plus de contenu, et votre foi est sans objet” (1 Co 15.14). Si ce texte est assez souvent répété, son emphase est moins souvent expliquée, comme si Paul exagérait. La seconde difficulté, c’est celle que rencontrent nos contemporains face à ce miracle : n’est-ce pas impossible ? N’est-ce pas absurde ? N’est-ce pas inutile ? Bref, pourquoi et comment voulez-vous que j’y croie(1) ?
Toutefois, impossible n’est pas français. Et surtout : rien n’est impossible à Dieu. Or, à Pâques, nos communautés sont prêtes à faire un effort, et un certain nombre de nos contemporains a encore conscience que Pâques est une date spéciale pour les chrétiens. Aussi, proposer une célébration de Pâques intentionnellement ouverte au plus grand nombre présente un réel intérêt.
À cette fin, je voudrais faire part de six éléments apologétiques qui me semblent utiles à prendre en compte. Puis quatre implications générales. Et, enfin, quelques pistes liturgiques pratiques pour un culte de Pâques qui marque.
B- Éléments apologétiques à prendre en compte
Pour savoir ce qu’il est important de considérer pour atteindre nos contemporains, inspirons-nous de Blaise Pascal, qui a su trouver le cœur des Français. Grand apologète ou défenseur du christianisme, Pascal a longuement médité sur la démarche à suivre pour faire connaître le Christ à nos frères humains. Nombreux sont ceux qui, au cours des trois derniers siècles, ont été saisis par ses écrits. La force de son écriture a été de prendre en compte leurs goûts et dégoûts, leur raison et leurs émotions, leur liberté et leur servitude(2). Et si nous faisions de même aujourd’hui ?
“Comment voulez-vous que je croie sans preuves ?”
Quand on parle de miracles à nos contemporains, il est courant d’entendre ces mots, dans la bouche de ceux qui ont un peu de culture biblique : “Je suis comme Thomas, moi : j’ai besoin de voir pour croire”. Que répondre à cela ? Quelle place faire à cette réaction dans nos cultes de Pâques ?
Je crois qu’il faut vraiment en tenir compte, sans toutefois recevoir cette exigence(3).
Tout d’abord, il nous faut reconnaître que Dieu nous demande de croire parce qu’il y a des données, et non en l’absence de toute donnée. En effet, au 1er siècle, des gens ont cru que Jésus était ressuscité soit parce qu’ils l’ont vu, soit parce que des témoins oculaires en ont fait le récit, soit parce qu’un “journaliste” a mené son enquête et l’a publiée. Dieu ne nous demande pas un saut dans le vide, ni de croire sans données probantes, il ne nous demande pas d’être fidéiste. Ne demandons donc pas à nos enfants, nos frères en Christ ou nos frères en humanité de croire sans fondement. Et reconnaître cela n’est pas si facile pour tous ceux pour qui les croyances chrétiennes se sont formées comme une évidence par leur éducation religieuse, surtout quand on s’entend dire : “Montre-moi qu’il est ressuscité, j’y croirai !”
“Voir pour croire” est la devise de ce que l’on appelle l’évidentialisme. Que faire face à cette exigence, alors que la Résurrection est passée et a été suivie par l’ascension, qui signifie pour nous que le Ressuscité échappe à nos regards ? Nous ne pouvons pas emmener notre voisin voir le Ressuscité(4). Ce que nous pouvons en revanche montrer, c’est que, dans la vie courante comme dans les pratiques judiciaires et même scientifiques, nous faisons confiance aux témoignages fiables. Nous pouvons ensuite montrer qu’un témoignage est fiable quand les témoins sont multiples et divers, qu’ils sont intellectuellement honnêtes et prêts à défendre la vérité de l’événement dont ils sont les témoins alors qu’ils n’y ont pas d’intérêt. Et enfin, nous pouvons montrer que c’est le cas pour la résurrection de Jésus et pour ses témoins(5). Pour les plus exigeants, nous pouvons montrer que les sources historiques de ces témoignages relatés sont parmi les plus nombreuses et les plus fiables du monde antique : ils ont réellement cru.
Commençons donc sereinement par montrer qu’il n’est pas contraire à la raison de croire que Jésus est vraiment ressuscité.
“Voyons, c’est invraisemblable ! Cela ne se peut tout simplement pas.”
À moins de croire en un monde merveilleux ou magique, où tout peut arriver, croire en la résurrection de Jésus est bien difficile. En effet, alors que tous les hommes meurent comme nous le voyons, comment peut-on croire qu’un homme y ait échappé ? Pour certains, la difficulté à croire que Jésus est ressuscité consiste dans le caractère invraisemblable ou improbable d’un tel événement.
Aussi, dans une célébration de Pâques (ainsi que dans l’enseignement ordinaire), il est important de bien montrer que ...