Accompagner la fin de vie

Extrait L'accompagnement et l'écoute

Dans cet article, l’auteur propose d'aborder quelques pistes d'accompagnement des personnes en fin de vie. Pour ce faire, elle part du vécu des personnes en fin de vie, en particulier des peurs principales exprimées par celles-ci. Quatre peurs principales sont identifiées : la peur de la perte d'autonomie, la peur de souffrir, la peur d'être un fardeau pour ses proches et de mourir seul et la peur de parler de la mort et de sa mort. Quelques pistes sont dégagées pour répondre à ces peurs d'un point de vue chrétien. Trois attitudes clefs à avoir dans l'accompagnement des personnes sont ensuite avancées, à savoir le non-jugement, la compassion et la capacité à s'adapter au référentiel philosophique/religieux de la personne. L’auteur termine par une invitation à retrouver « l'art de bien mourir ».

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La Tour (attribué)   EXTASE DE SAINT FRANCOIS ; DIT AUTREFOIS UN MOINE EN PRIERE PRES D\'UN MOINE MOURANT, Le Mans  Introduction

Au printemps dernier, le Parlement s’apprêtait à voter un texte autorisant, dans certaines conditions, l’euthanasie et le suicide assisté. Ce projet de loi a suscité l’émoi des chrétiens évangéliques, fondamentalement attachés au respect de la vie de son début à son terme naturel et à l’interdit « symbolique » du meurtre. La dissolution de l’Assemblée nationale en juin a renvoyé ce projet à plus tard. Mais, ne nous faisons pas d’illusions : il reviendra et passera tôt ou tard...

Mais l’objet de cet article n’est pas tant de débattre de la question de l’euthanasie ou du suicide assisté que de proposer quelques pistes d’accompagnement des personnes en fin de vie. En effet, que la loi change ou non, ce sujet se pose de toute façon et nous y sommes tous confrontés, de près ou de loin.

Pour y répondre, j’aimerais partir du vécu des personnes en fin de vie. En effet, un accompagnement digne de ce nom doit avant tout être l’écoute de la personne et de ses besoins. Quel est donc ce vécu ? Les études ont identifié plusieurs peurs principales habitant les personnes en fin de vie : la peur de la perte de l’autonomie (physique et psychique) ; la peur de la souffrance ; la peur d’être un fardeau pour leurs proches et de mourir seules, et la peur de parler de la mort et de sa mort(1). D’ailleurs, on remarquera que les personnes souhaitant recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté le souhaitent bien souvent en lien avec ces peurs. En effet, derrière la demande de mourir, il y a souvent, non pas une réelle demande de mourir, mais avant tout un appel à l’aide relatif à ces peurs.

Voyons donc comment accompagner chacune de ces peurs.

1. La peur de la perte d’autonomie

Qui ne craint pas de devenir dépendant, de perdre peu à peu son autonomie physique et psychique ? Personne, me semble-t-il. En tout cas, pas moi. Et ce, d’autant plus dans une société qui valorise plus que jamais l’autonomie et aggrave ainsi cette peur légitime.

Alors, que faire ? Prenons un peu de recul et de hauteur.

Sommes-nous humainement si autonomes et indépendants que cela ? Je ne le crois pas. Jusqu’à notre âge adulte, nous sommes dépendants de nos parents. Mais, même adultes, nous demeurons dépendants, ou plutôt interdépendants : interdépendants les uns des autres, et cela parce que nous avons été créés fondamentalement comme des êtres sociaux, des êtres de relation. Des êtres de relation, car créés en image du Dieu trinitaire, un Dieu, en lui-même, relation entre le Père et le Fils par l’Esprit. Des êtres de relations car, comme le dit Dieu lui-même : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul(2) . » Et Dieu ne dit pas cela, à mon sens, que dans la perspective du couple, mais plus généralement. On pourrait ajouter à cela que, dans son projet de salut en Christ, Dieu ne se contente pas de sauver des individus, mais il constitue un peuple, une famille, un corps : l’Église, de sorte que les chrétiens puissent se soutenir mutuellement. La récurrence de l’expression « les uns les autres » dans le Nouveau Testament en témoigne. Bref, nous ne sommes pas des individus atomisés comme le prétend le libéralisme : nous sommes des êtres interdépendants, ayant besoin les uns des autres, tout au long de notre vie. Certes, en fin de vie, face à la perte d’autonomie physique et psychique, la dépendance est accrue, mais elle n’est pas nouvelle.

Mais allons un pas plus loin. Quels que soient notre âge et notre état de dépendance physique ou psychique, nous sommes toutes et tous dépendants théologiquement, dépendants de Dieu en qui nous avons « la vie, le mouvement et l’être(3)  ». C’est un mensonge du monde que de nous faire croire que nous sommes indépendants. C’est le péché d’Adam et Ève que d’avoir voulu vivre indépendamment de leur Créateur. En toutes choses et à chaque instant, nous dépendons de Dieu : ce Dieu qui nous a créés, ce Dieu qui maintient toutes choses par la puissance de sa Parole. D’ailleurs, comme l’exprime bien l’image de la vigne et des sarments donnée par Jésus à ses disciples(4), le propre de la vie chrétienne est de grandir dans la dépendance à Dieu. Et Paul ira jusqu’à dire, à propos de son « écharde dans la chair » que Dieu n’a pas voulu ...

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1.
Voir par exemple : https://www.ifop.com/publication/les-francais-les-soins-palliatifs-et-les-peurs-liees-a-la-fin-de-vie/, consulté le 23/11/2024. Ce sondage de 2014 met en avant la peur de la souffrance (dans laquelle j’inclus la peur de la perte d’autonomie), la peur de mourir seul (que je lie à la peur d’être un fardeau pour les autres et donc de mourir abandonné) et la peur de l’acharnement thérapeutique. Je n’évoquerai pas la peur de l’acharnement thérapeutique dans la mesure où elle relève d’une méconnaissance de la loi qui interdit désormais celui-ci, notamment dans le cadre des directives anticipées. Voir aussi : Nathalie PATEGAY et Martial COUTAZ, « Préférences et craintes face à la fin de vie : une réalité souvent occultée », dans InfoKara, vol.20/n°3, 2005, p.67-75, disponible en ligne : https://shs.cairn.info/revue-infokara1-2005-3-page-67?lang=fr, consulté le 23/11/2024. Cette étude met notamment en avant le fait que plus d’une personne sur deux n’a jamais discuté avec qui que ce soit de sa fin de vie, que seulement 15 % en ont discuté avec leur conjoint et 12 % avec leur médecin traitant. Cette étude date un peu, mais nous faisons l’hypothèse que les choses n’ont pas beaucoup évolué depuis.
2.
Gn 2.18.
3.
Ac 17.25.
4.
Jn 15.1-17.

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