On parle beaucoup depuis plusieurs années, sous l’influence du mouvement de l’Église missionnelle, d’Église rassemblée et d’Église dispersée. De la nécessité, pour les chrétiens de l’Église, de se retrouver (lors de ses réunions : cultes, études bibliques) pour mieux se disperser dans le monde le reste de la semaine, et ainsi apprendre à être et agir comme disciples-témoins de Jésus là où ils travaillent, là où ils vivent. Témoins de l’Évangile en paroles et en actes auprès de leurs contemporains, dans les différentes sphères de société où ils vivent. Là où ils sont placés. Se rassembler pour se disperser, volontairement.
Dans l’histoire de l’Église naissante (Ac 8.1-4), la première dispersion n’apparaît pas franchement volontaire. Elle est le fait de l’ennemi qui frappe, qui dissémine, cherche à mettre à mort l’Église, et pourtant, ce faisant, accomplit le dessein de Dieu. Il permet à l’Église de progresser. En se disséminant, elle se reproduit. Un chapitre plus tard, nous retrouvons l’Église prospère. En paix. Dieu a transformé la situation, le mal en bien. Le grand persécuteur, Saul, est devenu le grand promoteur de la cause de l’Évangile.
Relisant récemment toute cette séquence, deux versets particuliers ont attiré mon attention sur le sujet de la réalité spirituelle de l’Église, de sa place, de sa nature, de sa mission et de son unité fondamentale dans la pensée et le projet de Dieu. L’un au chapitre 8, l’autre au chapitre 9 :
« Quant à Saul, il cherchait à détruire l’Église : il pénétrait dans les maisons, en arrachait hommes et femmes et les faisait jeter en prison. » (Ac 8.3)
« L’Église était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ; elle s’édifiait, marchait dans la crainte du Seigneur et grandissait grâce à l’aide du Saint-Esprit. » (Ac 9.31)
Le trait d’union entre ces deux versets, et ce qui demeure entre ces deux moments, où beaucoup de choses vont se passer, c’est que l’Église est une. L’ennemi le sait et tente au début de ce chapitre 8 de frapper, de diviser, de disséminer, de détruire ce que Dieu a uni. Il met à mort et sème la terreur, notamment par l’entremise de Saul. Saul qui approuve l’exécution d’Étienne ; Saul qui accompagne la grande persécution qui éclate contre l’Église et participe joyeusement à cette grande terreur-dispersion. Saul dont il est dit, dans cette expression terrible, au premier verset du chapitre 9, qu’il « respirait toujours la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur ». Lui le meurtrier, l’homme de destruction mû par l’ennemi, ne sait pas qu’il va être brutalement arrêté en chemin, l’instant d’après, par le Seigneur qui n’abandonne pas son Église :
« Je suis Jésus, celui que tu persécutes. Lève-toi, entre dans la ville et on te dira ce que tu dois faire. » (Ac 9.5-6)
Comme à la croix, Dieu renverse les plans de l’ennemi pour produire la vie. En frappant et disséminant, l’ennemi ne sait pas qu’il participe à accomplir en vérité la prophétie de Jésus :
« … vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1.8)
Le mot qui est employé aux versets 1 et 4 du chapitre 8 pour parler de cette grande dispersion, diaspeiro est apparenté au mot sperma (semence, graine, sperme). Se dispersant, l’Église amène la semence de vie partout où elle va. Pour autant, c’est la grande leçon de cette séquence, elle demeure une, indivisible dans sa réalité spirituelle. Là où l’ennemi veut ébranler et diviser, Dieu tient son Église unie et féconde. Il tient son corps articulé et coordonné au service de sa mission, elle aussi une. Au verset 3 du chapitre 8, c’est contre l’Église une que l’ennemi en a : « il cherchait à détruire l’Église ». Au verset 31 du chapitre 9, c’est l’Église une, l’Église de Dieu qui retrouve la paix :
« L’Église était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie ; elle s’édifiait, marchait dans la crainte du Seigneur et grandissait grâce à l’aide du Saint-Esprit. »
Il est question dans ce numéro des Cahiers de vocation chrétienne (article d’Émile Nicole). D’une vocation qui demeure et varie au fil des saisons de la vie (article de Richard Gelin), ou encore de la vocation de bienfaisance de l’Église (article de Jean-Marc Bellefleur) dans un monde qui change (recension d’Hélène Lasnes). Il y est aussi question de la fragilité de l’Église, de ses manquements (prédication de Sylvain Lombet et recension de Thierry Rouquet). En tout cela, proclamons cette grande vérité spirituelle et tenons-la au cœur : l’Église de Dieu est une et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle. Lorsque la paix est là ou lorsqu’elle est troublée, conscient du combat spirituel qui se joue, nous l’affirmons et agissons en conséquence, en Église rassemblée et en Église dispersée, parce que l’Église du Christ est une et que sa mission l’est aussi.