« Après le repas, Jésus s'adressa à Simon Pierre : ‘Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ?’
Il répondit : ‘Oui, Seigneur, tu sais que je t'aime.’
Jésus lui dit : ‘Prends soin de mes agneaux.’
Il lui demanda une deuxième fois : ‘Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?’
— ‘Oui, Seigneur, répondit-il, tu sais que je t'aime.’
Jésus lui dit : ‘Prends soin de mes moutons.’
Il lui demanda une troisième fois : ‘Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ?’
Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait demandé pour la troisième fois : ‘M'aimes-tu ?’ et il répondit : ‘Seigneur, tu sais toutes choses ; tu sais que je t'aime !’
Jésus ajouta : ‘Prends soin de mes moutons.’ »
Ce dialogue est certainement l’un des plus poignants des Évangiles. Il fait suite – et d’une certaine façon vient clarifier – le statut de Pierre après ses trois reniements dans Jean 18.15-27. Alors que Jésus est ressuscité, il affirme que Pierre n’a pas perdu toute légitimité, que sa faute ne l’a pas exclu du rôle des disciples. C’est une grâce que Jésus offre à Pierre, quand bien même la discussion qu’il a avec son disciple est inconfortable. À ce propos, la grâce et l’inconfort se tiennent souvent la main dans le ministère pastoral… Par exemple quand on confronte des personnes, non pour les rejeter mais justement parce que la confrontation est une grâce, ayant pour but d’appeler à la repentance, ou de clarifier la vérité. L’inconfort, aussi désagréable soit-il, en vaut largement la chandelle.
Beaucoup d’exégètes ont tenté de trouver des raisons plus ou moins subtiles pour expliquer les différences de vocabulaire (notamment les verbes traduits par « aimer ») dans les questions de Jésus en Jean 21. Cependant, l’explication la plus simple est le goût de l’évangéliste pour les variations. Il ne faut pas aller plus loin que cela et l’intérêt du dialogue entre Pierre et son maître est ailleurs. Pierre est clairement réinstallé dans son état de disciple et envoyé pour une vocation pastorale : prendre soin du troupeau.
Par contre, l’ordre amour de Jésus / soin du troupeau est lui d’une cruciale importance. Le message sous-jacent, répété trois fois par Jésus est celui-ci : celui qui aime Jésus prendra soin du peuple qui appartient à Jésus. C’est d’ailleurs cette même succession amour de Dieu / amour du prochain que l’on retrouve en Marc 12.29-31, dans la bouche même de Jésus :
« Voici le premier [commandement] : ‘Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ta pensée et de toute ta force.’ Et voici le second : ‘Tu aimeras ton prochain comme toi-même.’ »
Dans ce dernier édito en tant que rédacteur en chef des Cahiers de l’École pastorale, après plus de 9 ans de service (je reste dans le comité de rédaction, mais cède joyeusement la main à mon ami Erwan Cloarec, votre nouveau rédac-chef !), j’avais à cœur de vous encourager, chers lecteurs, à ne jamais oublier que l’amour de Jésus, vécu dans une relation d’intimité et de piété avec lui, sera toujours le plus sûr et efficace moyen de prendre soin de l’Église. En tant que pasteurs et responsables d’Église, c’est dans l’amour de Christ, dans sa présence aimante, que nous pourrons puiser les forces dont nous avons besoin. Sans cela, nous nous épuiserons et nous manquerons de sagesse. Sans cela, nous dévierons dans notre marche et ferons du mal. Pourtant, je n’oppose pas ici piété et formation/compétences, comme si la lecture d’une revue de théologie pratique et pastorale ne rentrait pas dans la case « aimer le Seigneur ». Non, c’est parce que nous aimons le Seigneur que nous nous formons pour servir l’Église. En cela, les Cahiers sont heureux de pouvoir contribuer au soin de l’Église.
Bonne lecture à chacun !
Nicolas Farelly