Prenant quelques jours de vacances en famille, je médite sur cette notion de repos en relisant une prédication inspirée d’une discussion avec un ami pasteur. Eh oui, en vacances, je me repose en écrivant ces quelques lignes… C’est qu’il y a, bien sûr, de nombreuses façons de se reposer : certains se reposent en s’allongeant ou en dormant, d’autres en faisant du sport ou en faisant du bricolage dans la maison. La Bible, elle, propose un autre angle de réflexion sur le repos. En Genèse 1.31-2.3, nous lisons :
« Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait : c’était très bon. Il y eut un soir et il y eut un matin : le sixième jour. Ainsi furent achevés le ciel et la terre, et toute leur armée. Le septième jour, Dieu avait achevé tout le travail qu’il avait fait ; le septième jour, il se reposa de tout le travail qu’il avait fait. Dieu bénit le septième jour et en fit un jour sacré, car en ce jour Dieu se reposa de tout le travail qu’il avait fait en créant. »
L’œuvre divine de la création du monde est présentée en se basant sur le modèle de la semaine de travail. Dieu a travaillé six jours et, le septième, il s’est reposé. Dans le récit de la création, le septième jour est la seule chose qu’il appelle « saint », qu’il « met à part ». Ce jour est donc d’une importance capitale pour lui. De plus, on remarque que le septième jour n’a ni matin ni soir (c’est le seul jour de la création dans ce cas). La journée commence « normalement » mais, apparemment, ce jour n’a pas de fin… Ceci signifie que les humains, ayant été créés le sixième jour, sont invités à vivre directement dans le septième. Si l’œuvre de Dieu se termine par le repos, la vie humaine, elle, s’ouvre sur le repos de Dieu. Les humains sont créés pour vivre dans le septième jour, dans ce temps du repos de Dieu. Tel est le projet de Dieu pour l’humanité.
Mais, à quoi cela ressemble-t-il pour les humains ? Plus loin, la Genèse décrit ce repos : « Le Seigneur Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. » (Gn 2.15) L’homme, en entrant dans le repos de Dieu, n’est donc pas appelé à ne rien faire ! Bien au contraire, il doit prendre soin de la création, surveiller le jardin et tout ce qu’il contient. Ce repos n’est pas oisif.
Pourtant, puisque tout est harmonieux, le travail qui est demandé à l’homme n’est ni difficile ni laborieux. Il est plaisir, joie et communion avec Dieu qui vient à sa rencontre dans la brise du matin. Se reposer, c’est donc travailler dans un esprit de dépendance, d’anticipation joyeuse de la rencontre avec Dieu. Dieu a cessé son œuvre pour se rendre disponible aux humains. Il est comme un père qui prend une journée de congé pour pouvoir passer du temps avec ses enfants, être pleinement disponible pour eux.
Malheureusement, nous savons tous aussi ce qui s’est passé pendant ce septième jour : le péché est entré dans le monde et a cassé toute cette belle harmonie. L’homme a voulu se débrouiller seul, sans Dieu, et il s’est séparé de lui et du repos pour lequel il avait été créé. Son travail est alors devenu difficile, laborieux. La Genèse a des mots très durs et très parlants pour évoquer cela : « La terre sera maudite à cause de toi ; c’est avec peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie. » (Gn 3.17) On remarque que le travail lui-même n’est pas maudit – il continue d’être une bénédiction. Mais la malédiction, c’est la souffrance qui est maintenant attachée à la notion de travail. Puisque l’homme a rompu sa relation avec Dieu, son œuvre n’a plus part au repos de Dieu. À partir de cette cassure originelle, les humains sont bannis du jardin du repos. Ils quittent le repos de Dieu pour entrer dans le tumulte et la souffrance.
Longtemps après, Dieu est venu en aide à l’humanité et lui a offert un nouveau cadre de vie avec sa loi, dont les dix commandements, « les dix paroles ». En lui donnant cette loi, Dieu a voulu replacer l’humain, représenté par Israël, dans le cadre pour lequel il l’avait créé, en pouvant louer Dieu (la première table de la loi) et aimer et servir son prochain (la deuxième table de la loi). Et, dans cette loi, le repos n’est pas absent. Le quatrième commandement, dans la première table, institue la notion de sabbat, de jour de repos (Ex 20.8-11). Le sabbat, c’est un don de Dieu aux humains pour leur soulagement. Dans sa grâce, Dieu leur offre de goûter, ne serait-ce qu’une fois par semaine, à ce repos qu’il voulait que l’homme expérimente tout le temps.
Cette possibilité était déjà pure grâce, mais Dieu ne s’est pas arrêté là ! En fait, la Bible montre que le Seigneur Jésus a tout accompli pour que nous puissions pleinement rentrer dans le repos, pour que nous puissions expérimenter mieux qu’un sabbat hebdomadaire. Ce que Christ a accompli, c’est le véritable repos de nos âmes : le salut, la vie éternelle, dès aujourd’hui. La Bonne Nouvelle, l’Évangile, c’est qu’à la croix, comme Dieu lors du sixième jour de la création, Christ a déclaré « tout est accompli » et ces mots sont une invitation à entrer dans son repos, dans la vie qu’il offre.
D’ailleurs, l’épître aux Hébreux 4.9-11 parle du salut offert par Christ comme d’un repos véritable :
« Ainsi, un repos semblable à celui du septième jour reste offert au peuple de Dieu. Car celui qui entre dans le repos préparé par Dieu se repose de son travail comme Dieu s’est reposé du sien. Efforçons-nous donc d’entrer dans ce repos. »
Ce repos-là, offert, rendu possible par Christ, c’est le « paradis perdu » ! Christ, en sauvant ceux qui croient, leur offre d’entrer à nouveau dans le repos véritable, le repos de la vie avec Dieu, à chaque instant.
Ainsi, comme en Éden, il n’est pas question d’être oisif dans ce repos. Non ! Mais tout comme en Éden l’homme devait faire les œuvres que Dieu avait préparées d’avance pour qu’il les accomplisse, de même en Jésus-Christ, nous avons été créés « pour que nous menions une vie riche en actions bonnes, celles qu’il a préparées d’avance afin que nous les pratiquions » (Ep 2.10). Le parallèle ne peut pas être manqué ! En tant que chrétiens, nous sommes appelés à entrer dans le repos, en Christ, pour faire les œuvres qu’il a préparées d’avance pour nous, c’est-à-dire pour le servir à chaque instant, pour faire sa volonté et trouver en lui notre joie. Pour être en communion avec lui dans tout ce que nous faisons (que ce soit notre travail, nos loisirs et tout ce qui occupe nos journées). Christ nous a sauvés pour nous donner le repos, le repos véritable qu’est son salut, la vie éternelle, la relation renouée, renouvelée avec lui.
Voilà le repos véritable : la relation à Dieu, possible grâce à son Fils Jésus-Christ. La communion de chaque instant avec notre Dieu, qui est là, qui nous accompagne dans notre œuvre quotidienne. Dieu, en Jésus-Christ, nous a offert d’entrer véritablement dans ce repos : avoir Jésus-Christ dans sa vie et vivre avec lui à chaque instant. Se savoir aimés, guidés et accompagnés par lui. Pouvoir le connaître, le servir et l’aimer en retour. Certes, aujourd’hui, le péché étant toujours présent dans le monde, nous attendons encore le repos parfait dans la nouvelle création, quand Dieu sera « tout en tous ». Mais, d’ores et déjà, le Seigneur nous permet de l’expérimenter vraiment, bien qu’imparfaitement.
Il est bien connu que pasteurs et responsables d’Église ont peu de temps pour le repos – et qu’ils ne sont pas toujours très sages dans leur gestion du temps et du stress. Par ces quelques lignes, rappelant la notion biblique de repos comme « œuvre », je n’ai évidemment pas voulu encourager cette tendance pastorale néfaste : il faut apprendre à prendre du repos régulier, physique et moral. Cependant, ma prière est que la lecture de ce nouveau numéro des Cahiers de l’École pastorale soit pour chacun d’entre vous un encouragement supplémentaire à entrer dans le repos de Dieu, quoi que vous fassiez !
Nicolas FARELLY