Compte-rendu de la rencontre théologique de la Post-Fédération Française des Associations Chrétiennes
(1) . 1939.
PREMIÈRE ÉTUDE
Ma tâche est de vous introduire dans la Confession dite « de La Rochelle ». Il ne sera pas superflu de commencer par quelques remarques historiques. C’est le 26 Mai 1559 qu’un synode, convoqué parmi soixante-dix églises de France, et tenu à Paris, a voté le texte que vous avez entre les mains. Ou plutôt a voté une première rédaction qui, vingt ans plus tard, a été remplacée par une autre, avec certaines modifications. L’intention de cette résolution était, en face de l’État français, du Roi, de la société, etc., de présenter une défense ; une défense du protestantisme contre l’accusation d’hérésie et de schisme. Il semble que Calvin n’approuva pas au premier abord cette publication. Nous possédons une lettre de lui, du mois de mai de cette année 1559, dans laquelle il raille un peu le zèle des « gens à Paris » à forger une confession de foi. Il dit expressément que cela « lui displaisait ». Pourtant, la chose fut faite, et malgré son opposition certaine, il envoya à Paris un texte qui, en général, est identique avec le texte que vous avez sous les yeux. La plupart des articles sont du Calvin pur. Nous verrons cependant qu’il y eut des changements, et des changements assez importants. Tout le commencement — les articles 1 à 5 — ont été complètement remaniés à Paris. Pour souligner tout de suite le plus important : l’article 2, quand il indique ces deux formes de la manifestation divine, « premièrement par ses œuvres, tant par leur création que par leur conservation et conduite, secondement et plus clairement par sa parole », n’est pas de Calvin, c’est de la théologie « parisienne ». Le texte a été rédigé définitivement seulement douze ans plus tard, en 1571, au Synode de La Rochelle.
Maintenant, quelques indications sur l’esprit général dans lequel cette intention de confesser la foi a été exécutée : car cela intéresse aussi le contenu de ce texte ecclésiastique. La Confession a été, lors de sa publication, accompagnée par deux préfaces : une préface générale s’adressant au public, et une supplication au roi. Dans la supplication au roi, il est dit — c’est important — : « les articles de notre foi qui sont décrits assez au long dans notre confession, reviennent tous à ce point que, puisque Dieu nous a suffisamment déclaré Sa volonté par ses prophètes et apôtres, et même par la bouche de son Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, nous avons cet honneur et révérence à la Parole de Dieu de n’y rien ajouter du nôtre, mais de nous conformer entièrement à la règle qui nous y est prescrite. Et pour ce que l’Eglise romaine, laissant l’usage et coutume de la primitive Eglise, a introduit nouveaux commandements et nouvelle forme de service de Dieu, nous estimons être très raisonnable de préférer les commandements de Dieu, qui est la Vérité-même, aux commandements des hommes, qui de leur nature sont enclins à mensonge et vanité. » — Ainsi, d’après la déclaration formelle de l’auteur, ou des auteurs de cette Confession : tous les articles de la foi reviennent à ce point que l’homme doit avoir révérence à la Parole de Dieu et non pas préférer le commandement des hommes au commandement de Dieu. Il est plus raisonnable d’obéir à Dieu qu’aux hommes, parce que les hommes, de leur nature, sont enclins à mensonge et vanité.
Quelques indications aussi, extraites de la préface générale et relatives à l’intention « pratique », pour ainsi dire, de cette Confession. « Nous voulons bien aussi protester que notre intention et désir est que notre cause soit entendue de tout le monde, car comme nous cheminons en droiture et intégrité de conscience devant Dieu et devant ses anges, aussi n’avons-nous point honte que toute créature connaisse quels nous sommes. Pourquoi nous prions ceux auxquels nous sommes étranges de ne point dédaigner lire notre présente excuse. Car combien que nous soyons séparés de longue distance de pays, le nom de chrétienté, quand il n’est point prétendu à fausse enseigne, doit bien être un lien suffisant pour conjoindre ceux qui semblent être fort séparés. » Ce passage est intéressant parce qu’il souligne un caractère distinctif de beaucoup de Confessions de cette époque : l’Eglise, en confessant sa foi, veut, comme il est dit, protester ; elle veut déclarer publiquement « qu’elle a bonne conscience devant Dieu et devant ses anges ». Voilà pourquoi la Confession de foi ne peut rester un acte privé, une règle intérieure pour l’Eglise. L’Eglise a très clairement conscience qu’il s’agit là d’une question publique. Tout le monde doit l’entendre !
Evidemment, entre ces deux citations, il y a un lien. Là où l’on est sûr de son affaire, là où l’on ne veut qu’obéir à la Parole de Dieu, on ne peut agir comme en privé, on est devant Dieu et ses anges, et donc en face de tout le monde, de tout l’univers : il faut parler à haute voix.
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