Depuis des années
Hokhma est restée, non seulement une revue de théologie d’inspiration évangélique, mais aussi une modeste fraternité, dont Gérard Pella est membre et à qui ce numéro de la revue rend hommage. Dans ce groupe, formé d’une petite dizaine de pasteurs suisses romands, il est le dernier à faire partie du comité de la revue. Les autres, dont je suis, ont pris d’autres itinéraires théologiques ou simplement d’autres chemins de service dans la continuité d’une ligne initiale. La richesse du groupe a toujours été la diversité des situations ecclésiales, des réflexions théologiques et des cheminements spirituels dont ont été
témoins ses membres. Une diversité, on s’en doute, qui est parfois dissonante quand elle n’est pas confrontante, voire potentiellement clivante.
Pour continuer à se rencontrer dans la fraternité, le groupe a dû chercher à aller au-delà du simple échange. Il a donc cheminé au risque du témoignage , revisitant en cela une pratique qui a ses lettres de noblesse dans les sphères piétistes, évangéliques ou pentecôtistes. Chaque participant peut évoquer tel ou tel élément de sa vie, de son cheminement, de ses engagements, sous la forme d’une parole libre, à laquelle les participants peuvent faire écho. L’expérience s’est révélée souvent lumineuse, parfois tendue, quelquefois impossible. Quand à la barre le témoin devient juge, son témoignage fait exploser le dispositif du rassemblement. Les participants doivent alors choisir, non pas un chemin de vie, mais un camp, celui des avocats ou de la partie civile. Le procès qui se met en place n’est plus celui de la parole de vie, mais celui d’une personne ou d’une institution. La fraternité qui préside à la rencontre disparaît. J’écris ces lignes à mes lecteurs, connus et inconnus, comme une exhortation à la persévérance, à (re)trouver une forme de témoignage authentique, non jugeante et porteuse de vie.
Qu’est-ce à dire ? Comme c’est le cas dans nombre de conseils de paroisses ou de groupes chrétiens, les témoignages (ap)portés ne sont pas de simples descriptions de faits. Ce sont des contributions qui éclairent la réalité, chacune à sa manière, unique et fortement contextuelle. Dans l’éclairage même qu’elles posent et proposent, ces contributions sollicitent, voire mettent en route une forme de fraternité qui permettra à chacun, sur son chemin de foi et de vie, de se trouver plus solidement relié. Traditionnellement la théologie insiste sur la dialectique entre témoin et témoignage (2) . Nous proposons ici d’y introduire un troisième terme, la fraternité. Témoin, témoignage et fraternité sont ainsi les trois dimensions d’un vivre ensemble ecclésial, mais, plus largement sociétal. Elles sont en tension, mais aucune ne peut se passer de l’autre. Témoigner sans être témoin de quelque chose serait une duperie. Un témoignage qui n’inviterait pas à une fraternité renouvelée ne serait guère christique. Une fraternité qui se ferait sans témoins n’aurait pas d’épaisseur sociale. Essayons d’articuler ces trois dimensions.
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