La cloche sonne la fin des classes ; ma gorge se serre.
Nous sommes six frères et sœurs. Personne ne nous attend à la sortie de l’école. Chacun rentre seul de son côté. Moi, je lambine, comme pour faire la « maison buissonnière ».
Nous nous retrouvons ensemble plus tard, assis autour de la table de la cuisine. Nous faisons sagement nos devoirs, parfois dans la pénombre pour économiser la lumière.
Notre père « fait les trois-huit ». Je n’aime pas quand il est là. Lorsqu’il est absent, je redoute l’heure de son arrivée. J’ai mal au ventre.
Violent, menaçant, humiliant, il nous reproche d’exister tout en disposant de nos vies. Nous sommes des marionnettes, sans droit de parler ni de pleurer. C’est douloureux de retenir les larmes.
Notre mère craint-elle notre père, ou manque-t-elle d’amour pour nous ? Elle le laisse faire, ne dit rien. Parfois, elle rit avec lui, nous frappe avec le manche du martinet « pour que ça fasse plus mal que les lanières… »
Pour nous, c’est normal. Pourtant, lorsque j’observe les autres parents à la sortie de l’école, je devine des différences.
Le monde m’apparaît compliqué. Je n’en comprends pas les règles. Je ne peux me fier à rien ni à personne. C’est dans ma tête que je trouve refuge, pour ne pas mourir.
Vers l’âge de six ou sept ans, je bavarde avec Dieu. C’est, pour ma mère, la preuve qu’en plus d’être moche et bête, je suis folle. Manifestement, je suis nulle.
Lors des années collège, je veux mourir.
Un jour, mon frère aîné et un copain entrent par hasard dans une expo Bible. Ils y chahutent avant d’inscrire mon nom sur un quiz. Suite à cela, je suis invitée à l’église par le pasteur qui me réprimande (je ne comprends pas pourquoi !) avant de m’offrir un calendrier de méditations quotidiennes.
Je découvre alors Jésus. Je ne réaliserai cependant son geste d’amour, pour moi, que plusieurs années plus tard, lors d’une campagne d’évangélisation sur mon campus universitaire.
C’est à l’âge de 23 ans que je donne ma vie à Jésus et suis baptisée.
Un mari génial, trois enfants super-chouettes, j’endure pourtant un mal-être indéfinissable, incompréhensible.
Ma famille d’origine reste disloquée pendant plus de vingt ans. C’est l’agonie de notre sœur aînée qui va rassembler la fratrie. Ensemble, nous extirpons des égouts de nos mémoires, ces supplices ravageurs qui nous retiennent encore captifs.
Grâce à Dieu, par le moyen d’une thérapie, j’atteins enfin la paix et une certaine légèreté joyeuse. Je n’ai plus peur de m’endormir le soir.
J’aimerais que tous les (anciens) enfants maltraités vivent cette expérience de délivrance et de guérison, car avec Dieu : c’est possible !
Dieu dans ma souffrance
Il y a quelques années, notre fils est décédé dans un accident de la circulation. Notre vie s’est comme arrêtée.
Pendant trois ans, mon épouse et moi ne sommes plus sortis de chez nous, tellement notre douleur était grande.
Un pasteur qui avait vécu une expérience semblable m’a beaucoup aidé. Il m’a convaincu de ne pas me mettre en colère contre Dieu, car ce n’est pas lui qui avait voulu la mort de mon garçon. Il ne veut pas notre malheur.
Aujourd’hui encore, ma douleur est très vive. J’ai compris qu’on ne se remet jamais de la perte d’un enfant. Mais heureusement, j’ai pu renouer avec Dieu qui m’aide à la supporter.