Quelle action menez-vous en faveur des migrants ?
Nous nous occupons surtout des jeunes qui n’ont pas pu prouver leur minorité. Sans âge légalement reconnu, ils n’ont droit ni au SAMU social pour majeurs, ni à la scolarité et à l’hébergement des mineurs en foyer. Ils sont donc à la rue dans l’attente du traitement de leur dossier par le tribunal. Cela dure de six mois à un an. Quand on nous les signale, nous hébergeons la nuit une quinzaine de ces garçons parmi les plus fragiles dans notre lieu de culte. Les filles sont accueillies dans des familles. Nous agissons à travers le Centre de la Réconciliation qui est l’œuvre sociale de notre Église.
Quant à L’Association Baptiste pour l’Entraide et la Jeunesse (ABEJ) de Lille, elle coordonne à tour de rôle la prise en charge d’une quarantaine d’autres jeunes dans des locaux mis à disposition par plus de vingt Églises ou associations évangéliques ou catholiques.
Qui sont ces jeunes ?
Ils ont seize ans en moyenne. Neuf sur dix sont des garçons qui ont traversé la Méditerranée. Ils voyagent essentiellement à pied. Les filles sont plus rares. Elles arrivent en avion. Tous proviennent de l’Afrique subsaharienne et francophone, souvent du Congo Kinshasa ou de la Guinée-Conakry. Ils fuient les violences et la pauvreté. Ce sont des adolescents en construction comme ceux qui sont nés dans nos pays, avec en plus des traumatismes liés à leur parcours.
Comment tout cela a-t-il commencé ?
Au départ, nous avons accueilli une fratrie de Rwandais. Émus de compassion, nous avons alors pris conscience du besoin et organisé cette action dès 2013. Aujourd’hui, nous nous occupons d’une vingtaine de jeunes à la fois, soit 150 par an. Nous nous sentons d’autant plus responsables d’eux qu’ils viennent pour la plupart d’entre eux de familles chrétiennes. Bien entendu, nous accueillons aussi des musulmans quand ils frappent à notre porte. Nous sommes conscients que la manière dont nous les traitons aujourd’hui construira les adultes qu’ils seront demain. Les former et les soigner participent donc à leur intégration.
Nous avons ainsi conscience de rendre aussi témoignage de notre foi en action pour les personnes extérieures à l’Église.
Avez-vous été touché par certaines histoires ?
Un des premiers ados, Amar, a dû abandonner son apprentissage parce qu’il n’a pas été reconnu mineur. Après avoir gagné en appel, l’école de restauration l’a repris. Il a eu son CAP et il poursuit aujourd’hui son BTS. Chris, un autre jeune très doué, a pu intégrer sport-études.
A contrario, un passeur a séquestré deux jeunes, forçant la sœur à se prostituer. Quand elle a disparu, son frère s’est enfui. Lui est sauvé. Mais elle, qu’est-elle devenue ?
Beaucoup de filles ont subi des violences et restent en très grand danger si elles ne sont pas accueillies. Nous implorons les services de l’État de ne pas les laisser à la rue.
Qu’aimeriez-vous réaliser ?
Développer l’enseignement pour ces jeunes exclus de l’école publique. Nous avons déjà les professeurs et nous cherchons un directeur.
Nous voulons aussi amplifier l’aide aux migrants. Pour cela le CNEF-solidarité recherche un coordinateur entre les différentes Églises et associations.