D’habitude, on enjolive, ici on noircit. Le résultat est le même, on s’enferre.
Digne héritier de la Grande Vadrouille, ce chef d’œuvre(1) de Dany Boon est comme un excellent restaurant: quel que soit le plat choisi, c’est le régal assuré! Le mauvais goût, la morale malsaine? Ne comptez pas sur Dany Boon pour vous refiler ces mets déjà bien trop à la mode.
Prenez Philippe Abrams et Antoine, les deux personnages principaux. L’un, sympathique directeur de la poste, «chudiste» de son état, est muté dans le Nord contre sa volonté. L’autre, facteur à Bergues, est un «cheutimi» convivial, trempeur de maroille (fromage picard).
Un film dans l’air du temps se serait fort bien accommodé du mauvais rapport à la vérité entretenu par l’un et l’autre. Le premier ment à Julie sa femme, pensant qu’ainsi, il la protège. Lui qui s’est trouvé accueilli comme un roi, fait croire à son épouse qu’il vit l’enfer! Le second refuse de dire la vérité à sa mère (interprétée par Line Renaud) au sujet de son désir de fonder un foyer avec la douce Annabelle.
Esquiver la vérité, est-ce si grave? Beaucoup aujourd’hui répondraient que «non». Mais la sagesse populaire, qui parfois s’approche du droit fil de la sagesse biblique, sait bien, elle, que «le pain du mensonge est doux à l'homme, et plus tard sa bouche est remplie de gravier»(2).
De fait, les doux mensonges ou silences du départ deviennent bien lourds à porter. Antoine, écrasé par la figure de sa mère, sombre de plus en plus facilement dans l’alcool pour oublier sa peine de cœur, tandis que Philippe s’enferre dans ses mensonges jusqu’à provoquer la colère de sa femme, qui finit par découvrir le pot aux roses. Les mensonges et silences étaient supposés faciliter les choses, et voilà qu’ils enferment leurs auteurs et tuent l’avenir: Antoine et Philippe n’ont plus que leurs yeux pour braire (pleurer)… Sauf qu’ils se réveillent.
Dans une discussion à cœur ouvert, Antoine interpelle Philippe: «Pourquoi tu lui dis pas la vérité? Sois franc, sois courageux!» Et Philippe de renvoyer l’appel à Antoine: l’un comme l’autre ont à affronter, enfin, la vérité.
Comme eux, nous en avons peur. Et si cette vérité était trop dure à dire et entendre? Mais dans ce film comme dans l’Évangile, c’est avec amour que la vérité est reçue, un amour qui pardonne et qui sait que «la vérité nous rendra libres»(3).