Adapté d'une pièce de théâtre, ce chef d'œuvre de Francis Veber reste à ce jour un des plus grands succès du cinéma français. Pourquoi? Parce qu'il fait rire, bien sûr! Mais pas seulement.
Outre un jeu d'acteur exceptionnel et une intrigue bien ficelée, ce film fait vibrer une corde sensible: notre tendance à la prétention, notre incorrigible habitude d'avoir de nous-mêmes «une trop haute opinion».
Dans ce film, ce sentiment de supériorité est d'abord incarné par Thierry Lhermitte, qui campe avec aplomb le personnage de Pierre Brochant. Mais son vieil ami, interprété par Francis Huster, partage une attitude assez proche. Et quel personnage au nom révélateur! Il s'appelle... Juste, de son prénom. Quant à son nom? Leblanc. On peut imaginer que ce nom (objet d'un échange hilarant dans le film) a été donné par hasard. Mais un double hasard comme celui-ci paraît peu plausible.
Juste fait en effet penser à cette tendance à s'appuyer sur sa «propre justice» tandis que Leblanc renvoie à une métaphore de la Bible très courante, qui associe la blancheur à l'innocence. Juste Leblanc constituerait donc un rappel, jusque dans son nom même, de l'autosatisfaction de ceux qui se croient plus malins que les autres, et qui s'imaginent «plus blancs que neige».
Mais nos amis trop sûrs d'eux vont déchanter. Grand bourgeois parisien arrogant, Brochant croit certes pouvoir se moquer impunément de ses semblables.
Est pris qui croyait prendre
Le fin du fin? Organiser des dîners entre amis, où l'on invitera un pauvre bougre sélectionné pour sa prétendue bêtise (d'où le titre du film). Tout l'art sera alors de se moquer, l'air de rien, du malheureux convive, en le faisant parler afin de le ridiculiser.
Mais dans notre histoire, les choses ne se passent pas comme prévu. François Pignon, pourtant considéré comme un «champion du monde» en matière de stupidité, va enrayer la mécanique mise en place par nos bourgeois vaniteux. Une cascade d'enchaînements imprévus, plus drôles les uns que les autres, va s'abattre sur nos personnages, ballottés entre révélations de couple brisé, menace de contrôle fiscal, blessure et tromperies.
À la fin, le rire a changé de camp... Et celui dont tout le monde se moquait se révèle charitable et pertinent lorsqu'il affirme au téléphone, au sujet de Brochant: «je ne sais pas si c'est l'homme le plus méchant que j'aie rencontré mais je sais que c'est le plus malheureux».
Voilà peut-être le secret de ce film: illustrer notre besoin d'un rire salvateur qui casse nos prétentions, qui révèle l'état réel de notre cœur, non pour nous humilier, mais pour nous tendre la main, à l'image de ce Dieu plein d'amour et d'humour qui nous rappelle que «les derniers seront les premiers».