Au gré d’une promenade, un homme rencontré ce matin dans un jardin public me confiait sa perception de l’arrivée du printemps.
« Si vous fermez les yeux, me dit-il, vous sentirez la chaleur des rayons du soleil vous caresser la peau. Vous apprécierez la douceur de la brise légère glissant sur vos joues. Vous entendrez çà et là, le bourdonnement des abeilles butinant de fleur en fleur, le gazouillis des oiseaux et le bruissement des feuilles dans les arbres. Ce descriptif bucolique, poursuivit-il, peut vous paraître puéril. Pourtant, le renouveau de la vie printanière arrive, émergeant doucettement de la froide torpeur hivernale, mon cœur se met en fête, tous mes sens s’extasient, et c’est un peu moi qui renais. »
Je l’écoutais et imaginais ses paroles prendre vie. Un sourire de bien-être se dessinait sur mes lèvres. C’est très difficilement que je rouvris les yeux, peu à peu, comme si je quittais un rêve merveilleux. L’homme arborait aussi un sourire qui éclairait son visage. Il avait gardé les yeux ouverts derrière ses lunettes opaques et semblait encore imprégné de son descriptif printanier.
Je compris alors qu’il voyait des choses qui m’échappaient trop souvent. Engoncé dans des pensées futiles, je passais à côté de ces choses simples qui mettent tant de baume au cœur.
Je pris congé en le remerciant chaleureusement et, tout en m’éloignant du banc où il demeurait assis, une pensée me vint à l’esprit : cet homme aveugle voyait la vraie vie bien plus clairement que moi ce matin-là !