Les Français semblent avoir redécouvert, tout à fait récemment, qu’il existait des problèmes dans les banlieues ! Les deux entretiens ici reproduits aideront à prendre de la distance par rapport à l’événement. Jean-Bernard Racine nous restitue le commentaire d’une « femme-flic » lors des émeutes de ... 1991. Alain Batail, pour sa part, nous livre des bribes de sa biographie d’ancien casseur : « Une famille de mon immeuble, raconte-t-il, empêchait sa fille de sortir quand je descendais l’escalier ou flânais dans la cour ». La ville rend visible les tensions sociales et cela ne date pas d’hier. La vie à la campagne n’est pas toujours une partie de plaisir mais les conflits s’y montrent moins au grand jour. « On lave son linge sale en famille ». En ville on croise des inconnus, la violence s’exerce dans la rue et l’on fait appel aux forces de police pour y mettre fin.
Faut-il alors juger négativement la vie urbaine ? Farid Sergy lance une affirmation provocante pour lancer le débat : « On voit bien que la ville est maudite ». Jean-Bernard Racine lui répond du tac au tac : « C’est votre point de vue ». On sent, chez lui, une véritable passion pour la ville ! Les deux points de vue réunis dans ce petit livre débordent, au reste, de passion. L’universitaire n’est pas le moins passionné des deux ! Les idées fusent mais, derrière celui à qui la modestie interdit de dire qu’il est une des sommités de la géographie urbaine, on sent couver la passion pour l’autre, pour le frère et, derrière l’autre, pour Dieu. On s’attend davantage à trouver de la passion chez un officier de l’Armée du Salut. La vie qu’il nous raconte nous prend aux tripes. Cependant, lorsqu’il parle de son travail d’accueil, au sein de la ville et de ses souffrances, on entend plutôt la sobriété du professionnel qui ne se paie pas de mots.
Chez l’acteur de terrain comme chez l’universitaire on trouve cette simplicité qui naît de la conscience de répondre simplement à leur vocation. Chacun des deux est là, au service des autres. L’un construit des outils pour penser, pour donner du sens, pour donner les mots qui guérissent. L’autre construit un lieu pour se ressourcer, pour dire ses souffrances et repartir de l’avant. Tous les deux le font au service de leur créateur. La confession de foi répétée de Jean-Bernard Racine ne peut qu’impressionner. Au bout de semaines de travail universitaire acharné, il dit que tout cela est important mais secondaire au regard de l’œuvre de Dieu. Quant à Alain Batail, il nous rappelle simplement le caractère hautement improbable de sa trajectoire personnelle marquée par la grâce de l’appel de Dieu au milieu du désespoir.
Dieu apparaît, dans ces deux témoignages, comme le seul espoir pour la ville, pour les relations sociales qui s’y nouent. Mais c’est aux chrétiens d’en apporter la preuve et de mettre en oeuvre les prémices de la future nouvelle Jérusalem. Il faut vivre les pieds sur Terre (les pieds en Ville) et la tête au Ciel. C’est, sans aucun doute, plus facile à dire qu’à faire. Mais ces deux témoignages peuvent inspirer chacun. Voulez-vous penser votre vie en ville, voulez-vous rechercher le sens de votre vie urbaine ? Mettez-vous à l’écoute des mots de Jean-Bernard Racine qui nous parle de la dimension religieuse des symboles urbains. Vous aurez envie, ensuite, de lire tout entier le livre qu’il a écrit et dont il nous livre ici des bribes. Voulez-vous agir autour de vous ? Mettez-vous à l’école du parcours d’Alain Batail. Ce parcours nous dit que c’est parce que l’on a échappé à la misère et à la déroute que l’on a, ensuite, envie de tendre la perche aux autres. Malheureux l’homme qui a oublié qu’il a, un jour, été désespéré !
La ville flambe parfois, et les écrans de télévision aiment à mettre en scène et à dramatiser ces flammes qui donnent des frissons aptes à faire grimper les audiences. Mais, au-delà de ces moments de crise, il existe des acteurs qui ont foi dans une autre vie sociale possible : une vie où la paix sociale se nourrit de justice et d’accueil de l’autre, parce que Dieu nous a accueillis.