Marceau entame son sixième jour depuis l’opération de son poumon et de sa côte. Je n’ai pas eu la force d’écrire ces derniers jours. Malgré l’augmentation des médicaments, il reste terrassé par des douleurs insupportables évaluées à 12/10. Il prononce quelques mots, mais cela l’épuise. Il ne mange toujours rien, même pas une demi-compote. Je le regarde au moment où je reprends mon cahier. Il verse une larme, il est à bout.
Marceau ouvre la bouche et me dit : « Plus voir le plafond ! » Depuis tous ces jours, il ne pouvait pas regarder autre chose. Lui qui aime tant apprécier le temps présent et ce qui l’entoure. Ses yeux restent fixés vers le haut, le silence s’impose avec lourdeur. On lit dans ses yeux comme un sentiment d’injustice et le refus d’en rester à ce stade. Nous prions alors pour cela. Depuis sa chute, il a toujours été allongé sans pouvoir bouger. Il avait réussi à se redresser un peu, mais la douleur était trop forte pour lui. La prière le console véritablement. Très souvent, il frappe sur son lit pour nous appeler quand il a de fortes douleurs et nous dit : « Prier, chanter, lire. » Voilà à quoi ont ressemblé ces derniers jours. On se rend bien compte que sa foi en Dieu le porte, malgré son jeune âge. J’entendrai encore dans ma tête, pendant bien des mois, le son de ses coups donnés sur le matelas. On le sait, cette histoire marquera notre vie.
Marie vient de repartir et je prends le relais. Je pars prendre un café. Heureusement, je reconnais bien le chemin avec mes points de repère. En marchant, j’aperçois le panneau « Salle de culte ». Je me souviens des petites cartes trouvées là et que nous lisons avec mon fils le soir ou en journée. Je décide de m’aventurer dans cette salle.
Je passe un temps au calme, en prière. Je me dis qu’il faudrait que je vienne avec Marie. Cet endroit me fait du bien. On se sent à part. Il y a des bancs en bois dont l’odeur agréable reste encore dans mes souvenirs. Une lumière douce crée une ambiance tamisée. Sur la gauche, une bible est posée. C’est un lieu où je me décharge, comme le Seigneur le suggère. Cela me fait tellement de bien. Je lui dis mes doutes, mes difficultés à surmonter cette épreuve. Et lui, il est là. Je ne le vois pas, mais je le sens tellement présent. Je lui dis combien j’aimerais le voir face-à-face dans ces circonstances. Mais, dans mon cœur, une parole me dit que cela ne change rien. Il est là, présent, pas besoin de le voir physiquement. Il faut juste continuer de le ressentir pleinement.
Je retourne à la chambre. À ma grande surprise, Marceau, le sourire aux lèvres, est pratiquement assis dans son lit. Un objectif physique atteint ! Mais surtout une réponse à nos prières. Je sais qu’il se bat ce gamin, et je suis fier de lui. Alors qu’il est très mal, son courage nous porte également. Mais il ne peut pas rester comme cela très longtemps, ça lui donne des douleurs partout. Cette position est importante pour expectorer les mucosités des voies respiratoires. Le médecin passe au moment où il demande à être en position allongée. L’infirmière redescend lentement son lit. Une autre bonne nouvelle va alors se présenter. Le docteur décide de lui enlever de suite le dernier drain. Hier, on lui a enlevé le plus petit tuyau. Cela fait partie du processus. Même s’il se montre fort, aujourd’hui son regard montre que le moral ne va plus du tout. Pourtant, il a atteint des objectifs. Mais, là, notre fils déprime, plus rien ne semble aller. C’est normal, l’épreuve est terrible.
Marceau me fait comprendre qu’il fait des cauchemars à chaque fois qu’il ferme les yeux....