C’était un soir d’hiver à Paris. J’avais reçu dans la journée le message d’un ami, jeune officier militaire, qui m’avait fait part de la santé défaillante de sa mère. Il ne m’avait jamais parlé d’elle, mais comme j’avais pressenti qu’il ne me donnait pas cette information de façon fortuite, je l’avais prié de me tenir au courant. La situation, en fait, était plus grave qu’il ne l’avait laissé entendre. Hospitalisée dans l’heure qui avait suivi, sa mère était entrée aux urgences. Il m’avait rappelé en fin de journée pour me dire qu’elle était en réanimation. Il avait manifestement besoin de parler, de conseils.
Je me suis permis de lui demander où sa mère en était dans sa foi pour le conseiller dans l’accompagnement qu’il pourrait lui apporter. Je lui ai dit qu’il pouvait, s’il pensait que c’était approprié, lui lire des paroles d’encouragement tirées des Psaumes ou d’autres passages de la Bible, même chanter doucement près d’elle des cantiques qu’elle aimait. De ne pas s’inquiéter de l’absence de réaction : les personnes inconscientes entendent et perçoivent beaucoup plus de choses qu’on ne l’imagine. Et puis, je lui ai proposé d’aller le trouver, dans sa veille, pour lui parler de vive voix et l’encourager. Il faisait froid ce soir-là.
Il fallait envisager un enterrement. Même si ce n’était pas pour tout de suite, même si la vie reprenait comme auparavant. De toutes les façons, il fallait y réfléchir. Et comment est-ce que cela se passerait si la même situation se reproduisait avec lui à des milliers de kilomètres ? Il était toujours utile de se préparer et de mettre les choses en place. Au cas où.
Il avait commencé à y penser, mais il n’avait pas encore pris les contacts nécessaires. C’est toujours un peu gênant de mettre en place le nécessaire pour l’enterrement d’un proche dont on se sent responsable, alors que rien, objectivement, ne permet de prévoir une fin prochaine. Vous imaginez bien ! Mais du coup, il avait franchi le pas. Les heures qui ont suivi lui ont malheureusement montré qu’il avait eu raison de se préparer au pire.
Le fait de parler, ou plutôt en l’occurrence, de faire parler, aide à mettre ou à remettre les idées en place. C’est une grande partie du travail des aumôniers. Il y a tellement de choses que l’on sait, que l’on a bien comprises, mais dans un moment de fragilité, on ne sait plus, ou on a du mal à s’organiser. Faire parler pour faire formuler les choses, c’est stimuler un travail d’organisation. Dans sa tête, puis dans sa situation concrète. Poser les bonnes questions mais quelles sont les bonnes questions ? Il n’y a bien sûr pas de réponse universelle. D’autant qu’il faut avoir un certain tact. Il faut trouver les questions que la personne a besoin de se poser, celles qu’elle vous sera reconnaissante de lui avoir posées, parce qu’elle y repensera encore après, et qu’elles pourront peut-être l’aider à avancer.
CADRE STRUCTUREL DANS LEQUEL TRAVAILLENT LES AUMÔNIERS AUX ARMÉES EN FRANCE
Un militaire à accompagner pastoralement, ce n’est pas seulement ...