Vérités : Attention, chantier !
Je n’étais alors qu’un étudiant en théologie lorsque j’ai rencontré puis correspondu avec le philosophe Maurice Clavel, lequel disait avoir rencontré Dieu. Me revient une de ses paroles : « Je ne peux pas prétendre détenir désormais la vérité, ce serait immodeste. Par contre, je sais que la Vérité me possède ! » Cette pensée a corrigé mes propres prétentions de jeune chrétien qui croyait avoir trouvé et saisi La Vérité, et même si j’ai ensuite vécu de mes convictions et de mes certitudes, j’ai toujours été capable de mettre en doute ce que je croyais vrai. Ne serait-ce que pour le vérifier. Parce que l’on ne s’approche de la vérité qu’avec humilité pour tout juste l’effleurer. Prétendre posséder la vérité, c’est déjà vivre de violence et de sectarisme.
Oser quitter les formules
Lorsque Pilate demande à Jésus « Qu’est-ce que la vérité ? », il pose un problème qui a été, est et sera de toute éternité terrestre. Cette question taraude les esprits depuis la nuit des temps ; elle le fera jusqu’à la fin du monde et l’ultime révélation d’en haut. La vérité n’est ni un précepte ni une formule magique qui permettrait de comprendre le monde et tout ce qui le compose. La vérité est plutôt une quête permanente, éclairante, stimulante et cependant insaisissable ; telle une terre promise jamais acquise.
Un concept ou une personne ?
J’ai longtemps pensé que la vérité était un principe rigide, permanent, fixe tel un codex immuable et rassurant, pour m’apercevoir qu’elle était davantage une réalité libre qu’une définition définitive. Pilate cherche un concept, une position juste, une règle normative. C’est un politique qui voudrait toucher à la philosophie, qui pense que la vérité est un schéma rigoureux lui permettant de ne pas se tromper et d’éviter de demeurer dans l’erreur. Il cherche la représentation intellectuelle idéale d’une abstraction qui ne peut être appréhendée aisément. Or, il est en face de celui qui dit être La vérité. Dès lors, parviendra-t-il à bouleverser ses perceptions pour envisager que la vérité n’est pas un concept, mais une personne ? Voilà en quoi elle serait vivante et libre, et voilà pourquoi elle ne peut se laisser enfermer dans une formule catégorique et péremptoire. Sinon, cette vérité se transformerait en dogme progressivement intolérant jusqu’au terrorisme en passant par le fanatisme.
La quête de vérité n’est rien d’autre qu’une requête vers l’essentiel, une enquête sur Dieu. Tous les penseurs de toutes les civilisations et de toutes les époques sont entrés sur cet interminable chantier : qu’est-ce que la vérité et où est-elle ? Depuis, ils la pistent.