Rares sont les prédications et études bibliques qui traitent de front des questions de style de vie matérielle. Questions personnelles et délicates? Questions taboues? «Si Dieu commençait "à mettre son nez" dans nos poches et nos portefeuilles, où irions-nous?» pourrions-nous nous demander. Celui qui ose évoquer l'enseignement de Jésus sur la simplicité provoque autour de lui des sentiments contradictoires d'admiration et de méfiance, de culpabilité et de bonheur. Cela vaut la peine cependant d'y réfléchir sérieusement...
Notre style de vie de chrétiens évangéliques ne ressemble-t-il pas étrangement à celui de nos contemporains non-chrétiens? Et ne l'étayons-nous pas avec des arguments «béton»? Par exemple: Afin que notre témoignage passe plus facilement, nous cherchons au maximum à réduire la différence par rapport à notre entourage, et à nous dégager de l'image «coincée» que certains chrétiens donnaient autrefois. De cette manière, cependant, le sel risque de perdre toute sa saveur et être bon seulement pour la poubelle. Afin de donner à nos enfants le meilleur départ dans la vie, nous leur achetons tout ce que l'argent permet d'acquérir, alors qu'ils ont surtout besoin de notre amour, de notre attention concentrée et de notre disponibilité. Afin de nous libérer des soucis de la vie (comme si nous pouvions échapper aux conséquences de la révolte d'Adam!), nous nous équipons de tous les derniers appareils et gadgets, mais ils finissent par nous infliger de nouvelles servitudes!
Pour celui qui adopte un style de vie plus simple, les pièges sont évidemment nombreux. L'orgueil spirituel le guette toujours. Il est tenté d'ériger son propre exemple en loi absolue pour tous et de condamner tous ceux qui refusent de s'y conformer. S'il n'est pas vigilant, l'amertume s'introduit sournoisement dans son cœur. Il devient dur avec lui-même et avec les autres, avare et envieux. Il est menacé aussi du développement de la myopie! Celui qui veut vivre simplement risque de se préoccuper tellement des détails pratiques qu'il perd de vue le but! La simplicité n'est pas une fin en soi. Après avoir ordonné au jeune homme riche de vendre ses biens et d'en distribuer le produit aux pauvres, Jésus lui dit «Suis-moi» (Lc 18.22), car le renoncement n'a pas de vertu en lui-même.
Il y a toutes sortes de motivations pour un style de vie simple: la volonté de partager ses biens avec les pauvres, d'éviter le gaspillage de ressources précieuses, de se démarquer par rapport à la société matérialiste, de retrouver le goût des plaisirs simples, etc. La vie simple est pour certains une mode, pour les autres une manie, un cri de révolte, ou le moyen de se donner bonne conscience. Mais le chrétien doit être motivé par autre chose: la volonté d'obéir à Dieu et de se rapprocher de Lui. Seules cette motivation profonde et cette relation avec Dieu nous permettront de persévérer et de renouveler toujours notre engagement.
Le chrétien ne pourra jamais échapper, pourtant, à la tension entre sa relation intérieure avec Dieu et sa relation extérieure avec les choses matérielles. Jean-Baptiste était ascète et refusait le monde, mais nous sommes disciples de Jésus, et lui, au risque d'être mal compris et jugé (Mt 11.18-19) acceptait de participer à des fêtes et à des réceptions. Liberté, joie, humour et célébration sont des ingrédients essentiels d'un style de vie simple. Veillons toutefois à ce que notre vie spirituelle ne soit pas étouffée par des choses matérielles, et combien c'est malheureusement le cas en Occident aujourd'hui! Pour bien vivre cette tension, Jésus nous appelle à chercher d'abord le Royaume de Dieu et nous promet le reste par la suite (Mt 6.35).
Quel est le suffisant? (2Co 9.8) Quel est mon suffisant? Car que m'importe ce que le Seigneur veut pour mon frère? (Jn 21.22). Le suffisant n'est pas le même à Paris et en province, en France et en Afrique, aujourd'hui et demain, mais combien il est difficile de faire la part entre vrais et faux besoins! Tel le fumeur en manque de tabac, dont tout l'organisme réclame sa dose de nicotine, et qui devient nerveux et agressif s'il en est frustré, nos appétits de nourriture et de choses se sont peu à peu déformés, et nous réclamons constamment un peu plus. La plupart de nos convoitises n'ont pas trop de mal à se faire passer pour des besoins! Mais grâce à Jésus, nous avons deux fois plus de joie avec deux fois moins de choses!
Autant ce serait inutile dans cette publication de vous indiquer le chemin de l'École Pastorale de Massy, car chaque lecteur aurait un point de départ différent, autant il serait impossible de prescrire un chemin vers un style de vie simple. Tous ceux qui accordent la priorité absolue au Royaume de Dieu sont appelés à simplifier leur style de vie, et pour chacun Dieu indiquera une voie personnelle. Mais voici, pêle-mêle, quelques pistes glanées ici et là:
• Contrôler nos dépenses mensuelles, ouvrir nos comptes au regard de Dieu, et discuter en famille ou en groupe de quartier.
• Nous donner un délai de réflexion et de prière avant de faire un achat spécial.
• Mettre la question du style de vie à l'ordre du jour de l'enseignement de l'Église locale (les pasteurs sont toujours à la recherche de sujets!).
• Faire preuve d'imagination dans la création des menus moins chers mais tout aussi appétissants. Nos enfants auront «meilleure mine et moins d'embonpoint» que ceux qui suivent un régime plus riche! (Dn 1.15).
• Employer notre créativité pour fabriquer des cadeaux personnalisés. (On dit que la nécessité est mère de l'invention!)
• Nous habiller au moment des soldes, dans les braderies et les bourses de vêtements. (Un évangéliste très demandé dans les années 70 ne payait jamais plus de 20 francs ou 3 euros ses costumes!).
• Mettre un certain nombre de nos biens en commun avec nos frères et sœurs (outillage portatif, équipements sportifs, etc.).
• Tenter de mettre en pratique dans l'Église la règle de l'égalité (2Co 8.13).
• Vivre en communauté (des exemples très intéressants existent, et les économies peuvent être considérables!).
• Apprendre à vivre avec un salaire par foyer (surtout lorsque l'épouse travaille principalement pour échapper à l'ennui!) afin d'être disponible pour Dieu, pour nos enfants et leurs camarades, pour l'Église et la cité.
• Et enfin, à côté de la méthode de calcul de libéralité pratiquée par John Wesley (qui a calculé au début de sa vie active son minimum vital, et qui donnait le reste à Dieu!), voici deux autres possibilités:
- augmenter progressivement, d'année en année, notre libéralité (en valeur absolue ou en pourcentage - pas besoin de commencer à 10% si nous avons de petits moyens, mais pourquoi la plafonner à 10% si ces moyens augmentent?) - calculer notre libéralité par tranches de revenus (exemple...): 10% jusqu'à 1500 euros, et 15% de 1500 à 2000 euros 20% de 2000 à 3000 euros, et 25% au-delà...
ConclusionEn 1974, au Congrès International pour l'évangélisation mondiale à Lausanne, 3.000 responsables évangéliques de 150 pays se sont engagés à «vivre plus simplement pour contribuer plus généreusement à l'évangélisation et à l'aide aux déshérités» (Déclaration de Lausanne, §9). Le Manifeste de Manille (1989) affirme à nouveau: «Appeler autrui à renoncer à soi-même, à prendre sa croix et à suivre le Christ n'aura de force que si nous-mêmes nous sommes, de toute évidence, morts à notre ambition égoïste, notre hypocrisie et notre convoitise, et si nous vivons dans la simplicité, le contentement et la générosité». Combien de temps faudrait-il pour que ces idées généreuses franchissent les Alpes et s'emparent du cœur des chrétiens de notre pays qui veulent vivre l'Évangile de manière authentique? Quels efforts supplémentaires consentirons-nous pour accélérer la venue du Royaume de Dieu?