- Rapport proposé par le groupe de travail suscité par le conseil de la FPF -
Le groupe de travail était composé de trois membres du conseil (Claude Baty, Étienne Lhermenault et Antoine Nouis), de deux membres du Défap(2) (Bernard Coyault et Frédéric Trautmann) et de deux représentants d’Églises issues de l’immigration (Emma Randrianandrasana de la FPMA(3) et Céleste Gnassounou de la CEAF(4).
Après une première rencontre de lancement, en présence de Jean-Arnold de Clermont, nous avons successivement rencontré des délégations d’Églises venant de : Haïti, Afrique, Maghreb, Chine et Madagascar.
Nous avons reçu la collaboration de Antoinette Laurent, étudiante en sciences politiques qui fait une thèse sur notre sujet.
Plan du rapport :
1 - Constat.
2 - Typologie des communautés.
3 - Description de ces Églises.
4 - Perspectives théologiques.
5 - Propositions de collaborations.
6 - Annexe : recommandations de la conférence Uniting in diversity.
1 - Constat
Le développement, pour ne pas dire l’explosion, des Églises issues de l’immigration est probablement le fait le plus étonnant qui a marqué le protestantisme au cours de ces deux dernières décennies.
Quelques exemples significatifs :
• Le pasteur Albert Watto du Depaf (Département africain de missiologie, de théologie pastorale et de formation biblique, œuvre partenaire de l’institut biblique de Nogent), affirme que la première église africaine officielle en France a été créée en 1985-86. Il estime qu’en région parisienne, il y aurait actuellement environ 250 communautés chrétiennes noires d’outre-mer (antillais et africains) soit probablement plus que l’ensemble des Églises attachées à la Fédération protestante.
• Le pasteur Emmanuel Toussaint, haïtien, a fondé et dirige depuis 20 ans une école de formation de pasteurs, l’Institut de Théologie Biblique de Paris qui regroupe actuellement 37 étudiants qui se retrouvent 3 jours par semaine, en fin de journée. Récemment 4 pasteurs ont été consacrés : 3 du Congo Brazaville (2 ingénieurs, 1 docteur en pharmacie) et 1 du Cameroun (proviseur de lycée). Cette formation se fait sans lien avec les facultés de théologie « officielles » même si certains professeurs apportent une contribution à titre privé.
• On trouve 19 Églises chinoises dans Paris intra-muros, soit plus que d’Églises Réformées.
Ce phénomène n’est pas spécifiquement parisien, des communautés étrangères se sont implantées dans les grandes villes de France. Il n’est pas non plus spécifiquement français et concerne tous les pays d’Europe.
• En Allemagne, un pasteur a été détaché pour aller à la rencontre de ces communautés et en faire le recensement. Ce dernier donne le chiffre de 35 Églises francophones (essentiellement congolaises) dans la seule région Rhin-Ruhr, soit plus que le total des Églises de la CEEEFE(5).
• En Italie, les vagues récentes d’immigration notamment d’origine ghanéenne, érythréenne, ou latino-américaine se sont aussi intégrées dans les Églises protestantes historiques qui sont actuellement composées à 60% de chrétiens d’origines étrangères.
• En Grande Bretagne, un recensement qui date de 2001 en vue d’un annuaire des Black-majority churches a dénombré 50 regroupements d’Église et 1.300 congrégations. Certaines estimations avancent le nombre de 300 regroupements et 3.000 congrégations. À Londres, plusieurs de ces Églises comptent plus de 1.000 membres, dont la Kingsway international qui a plus de 8.000 membres !
Le groupe de travail s’est interrogé sur l’appellation de ces Églises. Les anglais utilisait l’expression migrant churches mais remettent en question cette appellation car le terme migrant est provisoire. Les Malgaches qui sont en France depuis plusieurs décennies, voire les Arméniens, peuvent-ils être encore appelé migrants ? Les autres appellations proposées sont « Églises allochtones » (Belgique) « Églises d’outre-mer » (Spindler), « Églises de diasporas en France », « communautés chrétiennes étrangères », « Églises ethniques », « Églises communautaires »… L’appellation qui s’est progressivement dégagée dans notre groupe de travail est « Églises issues de l’immigration » qui pourraient être évoquées sous le sigle GE2I (Groupes et Églises issus de l’immigration).
Notre intérêt pour les GE2I s’inscrit dans la vocation directe de la Fédération protestante qui est double : favoriser le dialogue entre les différentes familles protestantes afin de rendre un témoignage commun au Christ de l’Évangile et représenter le protestantisme auprès des pouvoirs publics.
Les GE2I appartiennent au paysage protestant français et nous les connaissons mal. Au-delà de l’aspect exotique de la rencontre avec des protestants culturellement différents, un vrai dialogue avec ces Églises nous paraît théologiquement et spirituellement souhaitable. Comme tous les dialogues il peut être difficile mais nous pensons qu’il est de notre responsabilité de prendre des initiatives dans ce domaine.
2 - Typologie des communautés(6)
Une typologie est toujours réductrice car elle ne rend pas compte de la particularité de chaque groupe. Elle est néanmoins utile pour nous aider à saisir la diversité des situations.
1) Communautés dénominationnelles rattachées à l’Église d’origine
Il s’agit d’Églises historiques, héritières des missions européennes qui se sont organisées pour accompagner pastoralement leurs membres qui sont venus en France. Nous pouvons citer comme exemple les presbytériens coréens ou camerounais, les Églises de Madagascar (FLM et FJKM) ou l’Église évangélique du Congo. Les pasteurs sont envoyés par l’Église-mère qui cherchent ainsi des relais en Occident. Dans le cas de l’Afrique, il arrive que ces communautés de diaspora apportent des revenus ou des projets de développement pour l’Église-mère. Certains membres de ces Églises pratiquent la double appartenance avec un engagement parallèle dans une communauté française.
2) Communautés constituées en Union d’Église sur une base nationale ou linguistique, indépendante de l’Église d’origine
Il s’agit de communautés initialement créées pour accompagner pastoralement les étrangers vivant en France, qui se sont transformées en Églises constituées. La FPMA (malgaches), les Églises évangéliques arméniennes, les Églises évangéliques haïtiennes, la CEAF appartiennent à ce type. Avec le temps, ces Églises se structurent et cherchent leur intégration dans le paysage protestant français. Avec l’émergence des deuxième et troisième générations se pose la question du maintien de la langue d’origine. Les enfants parlent de moins en moins cette langue et ils se marient avec des personnes extérieures au groupe linguistique. L’évolution de la CEZAF(7) à la CEAF est de ce point de vue paradigmatique. Les malgaches et les arméniens conservent un attachement à leur langue, même s’il est de plus en plus problématique.
3) Communautés linguistiques intégrées dans une union d’Église française
Des communautés étrangères demandent leur adhésion à des unions d’Églises. L’Église vietnamienne de Marseille est rattachée à l’Union des Églises Évangéliques Libres, les communautés cingalaises et tamoules de Paris sont intégrées dans le réseau des Églises apostoliques et l’Église évangélique kabyle de Pantin a demandé son adhésion à la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes. L’Alliance des Églises chrétiennes missionnaires de France (hors FPF) s’oriente actuellement vers l’accueil de plusieurs communautés ethniques. L’ecclésiologie congrégationaliste des Églises évangéliques apporte la souplesse nécessaire à ces demandes d’adhésion. Ce type permet un équilibre intéressant entre identité ethnique et intégration dans une structure française.
4) Communautés missionnaires indépendantes sans dénomination
Il s’agit d’une nébuleuse qui correspond à l’importation des méthodes du business religieux en Afrique. Ces Églises d’expression charismatique, déploient souvent une théologie de la prospérité et du miraculeux. Elles se rassemblent autour de la personnalité de leur pasteur, et se font et se défont au gré de l’évolution de ces derniers qui sont souvent clandestins. Autodidactes et pratiquant un discours d’autorité, ils sont peu ouverts à la rencontre avec les autres communautés qui sont perçues comme des concurrents sur le marché du religieux.
5) Communautés missionnaires de la « Mission en retour »
En Afrique, mais surtout en Asie et en Amérique latine, des Églises de type pentecôtistes sont suffisamment importantes et installées pour déployer un programme missionnaire vers d’autres pays, notamment les pays du Nord déchristianisés. Les pasteurs missionnaires qui sont envoyés dans notre pays se retrouvent dans la situation similaire à celle des missionnaires occidentaux du 19ème siècle. Ils ne limitent pas leur évangélisation à leurs compatriotes mais s’adressent à l’ensemble de la population.
6) Groupes interdénominationnels
Des chrétiens d’une même origine ont fait le choix de s’intégrer dans des Églises différentes mais éprouvent le besoin de se retrouver entre eux pour partager des moments de prière et d’entraide. Nous pouvons citer ici les groupes Oasis qui rassemblent des chrétiens venus de l’islam qui fréquentent par ailleurs des Églises différentes. Ils se rassemblent pour prier ensemble et pour partager sur la particularité d’être chrétien dans un milieu majoritairement musulman autour de pâtisseries orientales et de thé à la menthe. Des groupes de musique et d’action diaconale jouent le même rôle. Une jeune association, l’ADAC (Association des diasporas africaines chrétiennes en France) essaye de coordonner des projets de développements vers les pays d’Afrique. Elle a comme particularité d’être interdénominationnelle et de concerner plusieurs pays d’Afrique.
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