Vers la fin de ma première année de pastorat, certaines personnes m’ont fait remarquer combien j’étais plus drôle et détendu avant d’être pasteur. J’étais devenu moins blagueur, et du coup perçu comme plus rigide aussi. Et c’était exact. Je venais de vivre une année de découverte du ministère pastoral, une année difficile aussi, où le poids de cette charge m’avait parfois fait perdre mon humour. Je n’avais donc pas que de mauvaises raisons pour ne pas être drôle… Mais ces remarques m’ont fait réfléchir et je me souviens m’être tourné vers les Écritures avec une question en tête : « Est-ce que Jésus a ri ? »
Strictement parlant, on ne mentionne jamais dans la Bible que Jésus a ri. Il a pleuré, il s’est mis en colère, mais on ne dit pas explicitement que Jésus a « rigolé » ou qu’« il faisait des blagues ». Bien sûr, le silence des Écritures ne prouve rien, mais malgré tout, je ne pense pas trop m’avancer en affirmant que Jésus a bel et bien ri, et même qu’il aimait rire.
Tout d’abord, parce que Jésus était un guérisseur et que, comme le dit Proverbes 17.22 : « Un cœur joyeux est un bon remède ; un esprit abattu dessèche les os. » Du coup, je me dis que Jésus, en bon guérisseur, était aussi joyeux, qu’il communiquait la joie et, qu’après avoir guéri, il devait non seulement être heureux, mais aussi rire avec les personnes qu’il avait guéries. Je prends cela aussi comme une exhortation pour moi-même comme pour chaque pasteur et responsable d’Église : comment communiquer l’Évangile, la vie éternelle, le salut, la restauration et la guérison, si je parais triste ?...
Deuxièmement, parce que Jésus avait de l’humour. En voici un exemple. En Luc 13.31-33, on vient le voir pour lui dire qu’Hérode veut se débarrasser de lui. Qu’elle est alors sa réponse ?
« À ce moment même, quelques pharisiens vinrent lui dire : “Va-t’en, pars d’ici, car Hérode veut te tuer.” Il leur dit : “Allez dire à ce renard : Je chasse des démons et j’accomplis des guérisons aujourd'hui et demain ; le troisième jour, j’en aurai fini.” »
J’imagine Jésus dire cela en riant… Pourquoi ? Et bien parce que dire « renard », à l’époque, c’était dire d’une personne qu’elle ne parvenait jamais à accomplir ses desseins. On imagine donc Jésus en train de dire : « Il me fait bien rire Hérode avec ses menaces. Allez lui dire... » Il y a, là aussi, quelque chose que nous pouvons apprendre de Jésus. Il est possible, quand cela est à propos, de rire, voire de se moquer, des méchants, des injustes, de ceux qui font le jeu du diable. Notre Dieu lui-même se rit d’eux.
Troisièmement, je crois tout simplement que Jésus était un homme joyeux. Il compare sa présence, par exemple, à des noces, à une fête heureuse et joyeuse. Par conséquent, ceux qui s’associent à lui sont effectivement censés être touchés par cette joie. Ils font partie de la fête. La joie est ce qui doit prédominer dans sa présence. Et qui dit joie dit, au moins en partie, rires, sourires, voire blagues. Nous sommes appelés à être joyeux, et si cela est possible, c’est parce que Jésus est lui-même joyeux. Il nous donne de participer à sa joie.
Oui, je pense que Jésus a ri. C’est même certain ! Mais le fait est que, si Jésus a bel et bien ri, s’il savait être drôle, si sa présence procurait de la joie, il savait aussi – mieux que quiconque sans aucun doute – discerner le temps du rire, le temps du sérieux et le temps des larmes. Tout l’enjeu, pour les responsables d’Église que nous sommes, est donc de se mettre à l’écoute de l’Esprit pour discerner dans quels temps nous sommes. En cela, nos frères et sœurs, dans l’Église et au-delà, se doivent de nous aider. Quand nous sommes plus sérieux que nécessaire, en nous disant « relax », « rigole, quoi ! » et en n’hésitant pas, si le moment le permet, de rire avec nous, d’être dans la joie et le rire. Mais qu’ils sachent aussi reconnaître et vivre à nos côtés la gravité, l’ampleur de la tâche qui nous incombe : pasteurs et responsables d’Église sont mandatés par l’Église locale et par Dieu pour conduire son Église. Nous sommes mandatés pour prendre des décisions (spirituelles, financières, administratives, humaines…) parfois lourdes de conséquences. Pour accompagner des personnes qui souffrent ou qui ont besoin d’être confrontées à leur péché…
Je ne sais pas si vous allez rire en lisant les pages qui suivent (j’en doute, à vrai dire, un petit peu !), mais ma prière est qu’elles communiqueront une part de la joie de Christ et du sérieux de la charge à laquelle il appelle ses serviteurs. Et si ces articles vous accompagnent dans le discernement que Christ désire que vous exerciez, alors me voilà en joie !
Nicolas Farelly