Durant une vingtaine d’années La Bruyère accumula notes, silhouettes, anecdotes, réflexions satiriques et souvent amères. De cet ensemble disparate devait naître Les Caractères.
Tout le monde prétendit les identifier.
On édita bientôt des « clefs ». Le plus drôle fut de voir apparitions des clefs à Romarantin, à Mortagne ou à Belesme… Dans ces « clefs » on ne citait plus comme à Paris les noms de princes ou de duchesses, mais ceux de petits notables provinciaux, celui de la femme du bailli. Cela faisait bien rire La Bruyère…
Parmi les portraits qu’il brosse on retrouve les types éternels tels que le puissant, l’avare, le fat, l’égoïste, le courtisan, l'ambitieux…
S’il est périlleux de tromper dans une affaire suspecte, il l’est encore davantage de s’y trouver complice d’un grand : il s’en tire, et vous laisse payer doublement, pour lui et pour vous.
Si le financier manque son coup les courtisans disent de lui : « C’est un bourgeois, un homme de rien, un malotru ; s’il réussit, ils lui demandent sa fille.
Mais le livre nous renseigne également sur des caractères bien spécifiques à l’époque : les précieux, les petits marquis, les nouvellistes au courant de tout…
Certaines « formules » font mouche :
L’esclave n’a qu’un maître ; l’ambitieux en a autant qu’il y a de gens utiles à sa fortune.
Ceux qui emploient mal leur temps sont les premiers à se plaindre de sa brièveté.
Il y a plus d'idées dans deux têtes que dans une.
La libéralité consiste moins à donner beaucoup qu'à donner à propos.
Le plaisir de la critique nous ôte celui d'être vivement touchés de très belles choses.
Ne pourrait-on découvrir l'art de se faire aimer de sa femme ?
Nous nous affectionnons de plus en plus aux personnes à qui nous faisons du bien.