6 août 1550. Rabelais et la Bible
Comme la Bible fait invasion dans le palais des rois, elle fait invasion dans une littérature où, peut-être moins encore qu'au Louvre, on s'attendrait à la trouver. François Rabelais (1494-9 avril 1553), qui, d'après Calvin, avait à un moment de sa vie « goûté l'Évangile », a sur la Bible, dans Gargantua (1534), un passage remarquable. Le 6 août 1550, Rabelais obtient du roi un privilège d'édition pour toutes ses œuvres, avec interdiction à quiconque de les imprimer ou de les modifier sans son consentement.
Son héros désire récompenser un moine qui l'a aidé à gagner une bataille. Celui-ci demande à Gargantua de fonder une « abbaye à son devis ». L'abbaye de Thélème est créée. Rabelais la décrit minutieusement et donne au chapitre LIV l'inscription mise sur la porte d'entrée. Cette inscription énumère ceux qui sont admis dans l'abbaye et ceux qui ne le sont pas.
Sont exclus les hypocrites, bigots, mangeurs de populaire, usuriers.
Sont admis les nobles chevaliers, dames de haut parage, et… les amis de la Bible.
Voici la strophe qui concerne ces derniers.
"Cy entrez, vous qui le saint Évangile En sens agile annoncez, quoi qu'on gronde. Céans aurez un refuge et bastille Contre l'hostile erreur, qui tant postille Par son faux style empoisonner le monde : Entrez : qu'on fonde ici la foi profonde, Puis qu'on confonde et par voix et par rolle (= par écrit. Rolle, c'est rouleau, livre) Les ennemis de la sainte parole. La parole sainte Ja ne soit éteinte. En ce lieu très saint Chacun en soit ceint ; Chacune ait enceinte La parole sainte. Même la plus haute marée ne couvre pas tous les rochers, mais elle les enveloppe, leur jette ses embruns, et remplit plus d'une anfractuosité sur leurs flancs ou à leur sommet".
La Bible ne conquit pas, au siècle de la Réforme, tous ceux qu'elle atteignit. Mais même les rocs imprenables, elle les battit de son flot puissant, et ils en gardèrent quelque chose.
Autres CITATIONS
Mais parce que, selon le sage Salomon, sapience n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme, il te convient servir, aimer et craindre Dieu. Je ferai prêcher ton Saint Évangile purement, simplement et entièrement, si que les abus d’un tas de papelards et faux prophètes, qui ont par constitutions humaines et inventions dépravées envenimé tout le monde, seront d’entour moi exterminés.