Poète et éditeur de musique français, Simon Goulart étudia le droit à Paris, mais mit toute son énergie à servir la Réforme. Il quitta Paris pour Genève au début de l'année 1566, et y fut ordonné pasteur en octobre de cette même année. Après avoir servi dans plusieurs paroisses françaises, il fut nommé à Genève (Saint Gervais). Dans une de ses prédications, il osa qualifier Gabrielle d'Estrées de courtisane, ce qui lui valut huit jours de prison et une forte censure prononcée en plein consistoire. Goulart succéda à Théodore de Bèze à la tête de l'église genevoise à la mort de ce dernier en 1605. Il fut élu président de la compagnie des pasteurs en 1607.
Parmi ses œuvres poétiques figurent des "Imitations chrestiennes" (1574), dont voici deux sonnets :
Par la foi contemplant Jésus-Christ attaché
Sur le bois de sa croix, en moi je désespère,
Voyant le fils unique et bien-aimé du Père
A tant de maux réduit par mon vilain péché.
Connaissant, d’autre part, que je suis arraché
Des pattes de Satan, de la grande misère
De l’enfer ténébreux par la mort de mon Frère,
Alors de tout chagrin je me sens dépêché (dégagé).
O l’échange excellent ! Christ, prenant ma nature,
A chargé sur son dos de mes péchés l’ordure,
Et de ses plus grands biens je me vois revêtu.
En descendant au monde il fait qu’au ciel je monte.
Sa mort fait que la mort et péché je surmonte
Qu’enfer et Satan gît, sous moi, mort, abattu.
Laisse-moi, mon Seigneur : non ne me laisse pas ;
Mais parle à mon esprit qui désire te suivre.
Non, ne me sonne mot ; mais ta main me délivre
Et jusques au tombeau guide toujours mes pas.
Non, ne me guide pas ; mais m’empoigne en tes bras,
Pour m’élever à toi, de la terre délivre.
Non, ne m’élève point, car je désire vivre
Et t’honorer encore : diffère mon trépas.
Non, ne diffère point : préviens-moi de bonne heure
Et, soit que mort je vive ou que vivant je meure,
Assiste, enseigne, guide, empoigne ton servant
Pour l’élever du monde en ta gloire céleste,
Afin que ce discord (désaccord) plus mon cœur ne moleste,
Mais de son bien les fruits il aille recevant.
et enfin ce poème au "ton prépascalien" (Albert-Marie Schmidt)
Quand je permets à ma folle raison
De dominer sur tout ce que je pense,
Incontinent, hautaine, elle dispense,
Comme elle veut, de toute ma maison.
A mes amis elle apprête un poison,
Mes serviteurs si fort travaille et tance,
Que de fuir chacun d’iceux s’avance,
Et à moi-même use de trahison.
Elle m’endort, puis tout mon bien me pille ;
Ce n’est pas tout : si je ne suis habile,
Elle m’apporte à la gorge un couteau.
Mais un ami, qui avec moi demeure,
Et qui ne veut qu’ainsi dormant je meure,
En m’éveillant me sauve du tombeau.