Remarques introductives
Postérieurs, pour la plupart d’entre eux, des œuvres qui allaient constituer le canon du Nouveau Testament, les écrits des Pères apostoliques furent produits entre la fin du i er siècle et la première moitié du ii e siècle après Jésus-Christ (1) . Le corpus des Pères apostoliques et celui du Nouveau Testament partagent bien des spécificités (2) . Si les écrits des Pères apostoliques constituent une collection élaborée tardivement, le Nouveau Testament constitue aussi une collection mise au point graduellement puis reconnue comme canonique. Comme pour les Pères apostoliques, le Nouveau Testament est composé d’écrits d’auteurs et de genres divers. Les œuvres du Nouveau Testament circulaient primitivement à la fois sous la forme d’une collection mais aussi, quelquefois, de faç on indépendante (3) ; de manière analogue, les œuvres des Pères apostoliques se transmettaient indépendamment mais aussi sous la forme de recueils, comme en témoigne le codex Hierosolymitanus, découvert en 1873 et comprenant 1 et 2 Clément , l’ Épître de Barnabé , la Didachè et les épîtres d’Ignace d’Antioche.
Toutefois, ce qui distingue les écrits néo-testamentaires des écrits des Pères apostoliques tient moins de la chronologie que de la canonicité. En effet, les œuvres des Pères apostoliques, chronologiquement proches des écrits du Nouveau Testament, n’ont pas été reçues, in fine , dans le canon biblique. Il faut cependant remarquer, d’une part, que certains des écrits des Pères apostoliques comme les épîtres de Clément ou le Pasteur d’Hermas ont joui très tôt du statut d’« Écriture » ( scriptura , graphê ), et cela pour nombre d’auteurs anciens comme Irénée de Lyon, Clément d’Alexandrie ou Didyme l’Aveugle. D’autre part, d’après le témoignage du codex Sinaïticus et du codex Alexandrinus, très célèbres manuscrits bibliques, on constate que certains écrits des Pères apostoliques prirent place parmi les œuvres du Nouveau Testament. En conséquence, évaluer la place des écrits des Pères apostoliques dans l’ensemble de la littérature chrétienne ancienne nécessite de les étudier et de les confronter avec les écrits du Nouveau Testament, dont ils sont fort proches en raison des conditions historiques de rédaction qu’ils partagent. Si nous abordons de cette manière la littérature chrétienne des deux premiers siècles, nous apprécierons chacune des œuvres produites à cette époque comme autant d’expressions singulières et irréductibles des communautés chrétiennes vivant autour du bassin méditerranéen.
S’il paraît ambitieux de donner un tableau général de l’Empire romain aux deux premiers siècles de notre ère (4) , il est néanmoins possible de relever une dimension du christianisme des deux premiers siècles que les événements historiques semblent avoir particulièrement façonnée. Pour illustrer notre propos, nous citerons un écrit relevant du corpus des Pères apostoliques, un passage de l’ Épître de Barnabé (2, 1-3), rédigée dans la seconde moitié du i er siècle de notre ère ou dans le premier tiers du siècle suivant (5) :
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