Philippe Decourroux n’est pas un Suisse comme les autres. Artiste, décontracté, parfois carrément clown, bavard aussi, il diffère de l’image de l’horloge bien réglée que l’on peut avoir de ses compatriotes. Il n’en est pas moins sérieux, mais avec ce brin d’humour et de poésie qui sait faire passer les messages les plus profonds. Quand il chante – car c’est son métier – il monte rarement sur scène. D'ailleurs, de scène, il n’y en a pas dans les églises ou les gymnases où il se produit. Il est au même niveau que ses auditeurs, éclairés par une lumière uniforme dans toute la salle. Pas de grand show, juste un grand cœur. Dans une de ses chansons, il explique: «Je veux chanter pour toi /qui sais plus, qui sais pas /perdu où que tu sois».
Philippe exerce des responsabilités dans une église évangélique du Jura suisse francophone, et il chante pour partager l’Évangile avec ceux qui ne le connaissent pas, mal ou qui veulent approfondir. Il chante pour dire la liberté qu’il a trouvée en Jésus-Christ, un jour, il y a 25 ans.
Né dans un petit village suisse sans histoire, il grandit dans une religiosité qui consistait à «aller à la messe tous les dimanches et à faire sa petite prière tous les jours». Mais il n’a pas de lien, ni personnel, ni quotidien, avec ce Dieu religieux. À l’âge de 21 ans, lors d'une visite à sa petite amie, jeune fille au pair en Allemagne, il rencontre «des chrétiens vraiment différents et bizarres. Pour eux, Dieu était omniprésent. Ils priaient tout le temps, même pour trouver une place de parking! J’étais intéressé par cette différence, mais en même temps je n’en voulais pas trop, je pensais qu’il faudrait que je renonce à toutes les belles choses de la vie: les sorties en disco et les voitures».
Construire du solide
Sur les conseils de ces personnes, Philippe se met à lire la Bible, un petit passage tous les soirs, et ce pendant quatre ans. Mais il avoue volontiers qu’il n’y comprend rien. Et puis, à l’âge de 25 ans, en pleines vacances idylliques en Espagne, c’est le déclic. Malgré des circonstances quasi-parfaites, il se dispute violemment avec sa petite amie, et se dit alors: «Si tu ne peux pas gérer ta vie dans une situation idéale, comment feras-tu quand il y aura de vrais problèmes»? Il décide alors d’abandonner sa vie à Dieu, de laisser les commandes de son existence à celui qui saurait bien la gérer.
Le changement est radical, instantané et irréversible. Philippe parle d’une «conversion». Il «donne sa vie à Jésus» et se marie avec sa petite amie peu de temps après pour «construire du solide». Mais surtout, il découvre une liberté intérieure insoupçonnée jusque-là. «J’étais dépendant à la vitesse et à la pornographie. J’avais aussi en moi un esprit de suicide. Et j’en suis devenu libre». Quant à ces «belles choses de la vie» dont il ne voulait pas être privé quatre ans plus tôt, devoir y participer devient carrément une «punition»!
Il connaît alors une ardeur qui le pousse à partager autour de lui les merveilles de cette nouvelle liberté intérieure. Mais il se sent «terriblement maladroit». Alors, il se met à chanter pour témoigner de sa foi. Huit ans plus tard, il sort un premier CD; dix autres albums suivront, dont «Tant qu’il y aura des hommes», diffusé à 150.000 exemplaires. En 2006, Philippe chante place de la République à Paris devant 15.000 personnes, à l’occasion de la Marche pour Jésus. Son ministère d’évangélisation par la chanson se porte plutôt bien.
Changer le mal en bien
Décidé à prêcher la liberté partout où les hommes en sont privés, il intervient en prison, en Europe francophone, puis dans le monde entier. «Le Seigneur nous demande d’apporter la liberté aux prisonniers»(1). Les gens qui sont derrière des barreaux sont en fait prisonniers d’eux-mêmes. Je les comprends d’autant mieux que dans ma jeunesse, j’aurais pu être amené à faire des bêtises qui m’auraient fait mal tourner.» En prison, il parle d’un «bon feeling» avec les détenus, et même avec les surveillants. Il pense notamment à un établissement en Belgique, où les responsables passent ses albums en boucle dès que la tension entre détenus devient trop forte.
Le message principal qu’il s’efforce d’annoncer est qu’il est moins important de «réussir dans la vie» que de «réussir sa vie». Or, pour réussir sa vie, il suffit «d’entrer dans le projet que Dieu avait pour moi dès avant la fondation du monde. Je n’ai pas été créé par hasard. Dieu a un plan pour ma vie et il veut me le montrer. Ceci me fait toucher au bonheur, car je suis alors en phase avec la vie. Tout est encore possible. Le meilleur est toujours devant, malgré nos bêtises. Dieu va même utiliser notre parcours pour changer le mal en bien».
Espoir Diffusion
Parallèlement à cette mission évangélisatrice, Philippe mène une carrière de professeur de percussion au conservatoire, et de chanteur solo ténor de musique classique, pour gagner sa vie. Il frôle l’épuisement en 2007. Philippe prend alors une année sabbatique, puis décide d’arrêter son travail de professeur au conservatoire. Il vit aujourd’hui uniquement de ses CD et concerts chrétiens, et demande humblement à ses auditeurs de ne pas pirater ses albums, sa seule source de revenu.
Il fonde également l’association Espoir Diffusion et s’engage dans un combat social et humanitaire au nom de l’Évangile: il s’insurge contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. Il ne supporte pas l’idée que des jeunes filles soient forcées à se prostituer, ce qui représente malheureusement aujourd’hui la quasi-totalité du marché du sexe. Dans son dernier album «Àcontre-courant», il dédie deux chansons à ces «filles de l’Est, piégées par des barbares» sur nos propres trottoirs. Son objectif est d’éveiller les consciences, notamment dans les écoles et les lycées, pour sensibiliser les jeunes à ces injustices et, ainsi, «freiner la demande» de services sexuels payants. «Le travail auprès des prostituées elles-mêmes est important, mais ne suffit pas, car quand une fille s’en sort, c’est une autre qui tombe dedans». À cet effet, Philippe est allé début février 2010 en Moldavie, rendre visite à ces jeunes filles sauvées de cet horrible trafic grâce au travail d’une association chrétienne. Comme il l’affirme dans un slogan qui est devenu sa devise: «On ne peut pas tout changer dans le monde, mais on peut tous changer quelque chose».
Pour aller plus loin
www.decourroux.ch
www.espoirdiffusion.ch