L’ordre de ne pas tuer dans la Bible est-il compatible avec le métier militaire ?
Cette interrogation m’a tenaillé lorsque je préparais le concours pour entrer dans ce « métier des armes ». Que faire aussi de l’appel du Christ à aimer son prochain ?
Il est clair que ces deux commandements ne s’adressent qu’à des chrétiens désireux d’obéir au Christ. Or, je constate que nulle part dans la Bible, il n’est prescrit à un chrétien de quitter l’état militaire.
Aussi, je retiens que tout chrétien engagé dans sa foi peut servir son pays en prenant les armes lorsque la situation l’exige.
Un militaire peut-il être en même temps pacifiste ?
Il est manifeste que dans toute armée, certains militaires ne sont guère pacifistes.
Ceci étant, je pense que de nombreux militaires le sont profondément, cherchant à préserver, maintenir ou rétablir la paix. Il leur faut, en effet, éviter ou stopper au plus vite les horreurs d’une guerre, la mort, le deuil, les blessures atroces, les traumatismes et les destructions immenses qui en résultent, particulièrement pour les populations civiles du fait des « dégâts collatéraux ».
Est-ce qu’être chrétien change quelque chose dans l’exercice de ce métier ?
Il est incontestable que la foi chrétienne est un apport précieux pour exercer ce métier si particulier par son style de vie, ses coutumes, ses nombreuses mutations et missions de toutes sortes et en tous lieux.
La foi est aussi une aide pour les décisions parfois lourdes à prendre, pour supporter des privations parfois très longues, des risques physiques importants, ainsi que pour accepter une obéissance qui peut aller jusqu’au sacrifice ultime de soi-même comme de ses subordonnés, la mort infligée à l’adversaire, voire hélas provoquée à des populations civiles totalement innocentes.
Avez-vous déjà dû faire face à des cas de conscience en tant que Général et chef militaire ?
Bien sûr, à de nombreuses reprises. Alors que je commandais avec le grade de colonel un régiment de parachutistes, il m’a fallu désigner un jeune sous-officier, marié et père de deux jeunes enfants, pour partir en ex-Yougoslavie y remplir une difficile mission de déminage. Trois mois après, hélas grièvement blessé, il est décédé durant son évacuation en hélicoptère. J’ai alors dû me rendre chez la jeune épouse entourée de ses deux jeunes garçons pour l’informer officiellement du drame. J’ai mesuré en cet instant le poids des responsabilités qui m’incombaient. La prière m’a aidé à avoir le courage de dire les mots et d’entourer cette jeune famille plongée dans la détresse.