« Nous avons eu une baisse de libido avec la venue des enfants, la routine... Alors nous avons commencé à utiliser des films pour nous stimuler. Mais maintenant, on en a besoin, sinon il ne se passe rien. Peut-être qu’on a perdu quelque chose en route, c’est comme si on ne savait plus faire. Pourtant avant, ça marchait, je ne comprends pas car on s’aime. »
Un vrai problème, une fausse solution
Ce mélange de récits évoque un motif de consultation fréquent en sexologie. Le recours à la pornographie dans ces couples n’est ni fréquent ni impérieux mais il est devenu un stimulant indispensable pour vivre une relation sexuelle. En cas de baisse de désir, la pornographie est efficace pour créer l’excitation car elle est faite pour ça. Mais cette « solution » entraîne une vraie difficulté : elle va rendre inutile de se parler pour essayer de comprendre pourquoi l’envie a baissé ou a disparu. On ne cheminera donc plus ensemble pour rallumer la flamme. Le sujet du désir est trop vaste pour être traité ici, mais disons-le de suite : la baisse de désir fait partie de la vie de tous les couples, mais cela ne veut pas dire qu’on ne peut rien y faire.
Ça marche un temps
La pornographie crée une excitation sexuelle mais diminue la capacité à la provoquer sans elle. Elle aggrave donc le problème de départ au fur et à mesure du temps. Le couple ne s’en aperçoit pas au début car « ça marche ». Les images atteignent le cerveau qui va sécréter les hormones du plaisir rapidement. Les habiletés érotiques sont moins nécessaires. Le besoin de créativité, de caresses et le contexte relationnel et émotionnel sont moins nécessaires à la rencontre sexuelle puisque le film pornographique fait le travail. Cela rappelle au couple un peu le début de sa relation où ils avaient l’impression que ça allait « tout seul ». Pour autant, ils ne s’y retrouvent pas tout à fait.
Prévenir plutôt que guérir
Il y a deux circuits du plaisir : la tête (les fantasmes, images, émotions) et le corps (le toucher). L’image pornographique gagne du terrain sur l’érotisation et l’appréciation du corps de l’autre : on le regarde moins. De plus, on se déconnecte de ses sensations corporelles. Toucher et être touché.e n’ont plus la même importance. Les émotions sont, elles aussi, émoussées. En résumé, « on devient paresseux sexuellement », disent souvent les patients. Il est toujours possible de revenir en arrière, mais il est plus facile de s’occuper de sa sexualité qui vacille un peu avant que la pornographie ne soit venue s’en mêler. Facile mais pas si simple. C’est sûr qu’il ne faudra pas être « paresseux » mais, de ce qu’on me dit, le jeu en vaut la chandelle !
Informations complémentaires
Lectures pour cheminer sur son désir et sa sexualité BRENOT Philippe, auteur de nombreux livres.
PEREL Esther, L’intelligence érotique, Édition Pocket, 2013, 352 p.
MOREAU Capucine, La créativité érotique, Édition La Musardine, 2020, 205 p.