Ma jeunesse en France
Comme ceux qui ont fait leur scolarité primaire avant 1960, la rentrée a rimé pour moi avec tablier, encrier et surtout marronniers. Je me souviens des feuillages roux ombrageant les cours d’école, des bogues jonchant le sol et piquant nos pieds encore nus dans les sandales. Les batailles de marrons ont parfois laissé leur empreinte marron sur un œil ou un front. Ah, ce bon vieux temps capturé sur clichés de teinte sépia !
L’été, ce sont les vacances en Lozère dont je me souviens. J’y garde les vaches avec ma cousine Alberte. Tricot ou broderie nous évitent l’ennui. Et puis chantonner La place Rouge ou J’entends siffler le train. Un autre sifflement omniprésent, même par très beau temps, capte toutefois mes sens. Celui qui parcourt et secoue les pins en un frémissement proche parfois d’un long hurlement de loup.
Mais mon arbre à moi, c’est le figuier au fond du jardin, adossé au mur mitoyen qui me sert d’appui pour grimper jusqu’à la branche coudée la plus accueillante. Mon refuge pour lire ou rêver. Une façon de m’évader tout en m’élevant pour avoir une vision plus globale de la nature et du monde.
Plus tard au Canada
Roselyne m’invite dans la ferme de ses parents. Imaginez la vaste plaine du Manitoba, au centre du Canada : une immensité nue, de prés à perte de vue. L’horizon dépouillé est si éloigné que l’on en perçoit la courbure. La terre est vraiment ronde, j’en ai le souffle coupé ! D’ailleurs cet arbre là-bas, l’unique planté là comme le manche au sommet d’une toupie, suffirait-il à lui seul à faire tourner la terre ? Mon premier automne au Québec est marqué par le gigantesque flamboiement des érables. Une débauche d’ors et de vermillons qui ruissellent à profusion de tous côtés. Comme un embrasement qui s’étale et dure l’espace de quelques semaines. Je m’émerveille devant cette somptueuse palette qui dépasse tout ce que les artistes peintres réunis ont produit jusqu’ici. Le Maître par excellence est incomparable et incopiable.
En Californie
Accompagnée par l’odeur des magnolias qui bordent l’avenue, je me presse, toutes narines frémissantes pour mieux humer la fragrance enivrante. Surtout à cette heure en fin de journée. J’arrive juste à l’heure à l’université. Tout en rentrant tardivement sur l’avenue, les corolles blanches des magnolias ont emprisonné leurs senteurs. Ce parfum des magnolias évoque en moi les plus beaux souvenirs.
Chacun connaît ces images d’arbres au tronc si large et creusé pour qu’y passe une route. Le cousin Alvin a établi son campement dans une forêt au-dessus de Santa Barbara, au milieu des coyotes. Me balançant sur le rocking-chair, je lève les yeux qui n’en finissent pas de s’élever jusqu’à la trouée du ciel. La futaie est si haute, les troncs d’écorce rouge si rectilignes, la canopée si inaccessible que je me sens fourmi rampante dans cette cathédrale de séquoias à la nef vertigineuse.
Et que dire de ces cyprès millénaires, solitaires ou enchevêtrés de Carmel, sculptés par le vent du Pacifique. Un véritable enchantement où chaque virage révèle un nouveau point de vue qui vous émerveille.
Lorsque je m’arrête pour admirer toutes ces merveilles, je ne peux m’empêcher de réfléchir à Dieu qui les a créées. Ces instants heureux m’offrent l’occasion de chanter ses merveilles.