« Faute avouée est à moitié pardonnée »
Si cela veut dire que la reconnaissance de la faute est la première partie du processus du pardon, alors nous sommes d’accord. En revanche, la phrase pourrait donner à croire que l’aveu force l’autre au pardon. Ce n’est pas le cas. Il est possible que j’avoue mais que l’autre ne pardonne pas. Même pas à moitié ! Donc il serait juste de demander à l’inventeur de cet adage, comment ça va se passer pour l’autre moitié… D’ailleurs, souvent, à cause de ces petites phrases proverbiales toutes faites, nous pouvons avoir un discernement faussé. Si je pardonne, est-ce que l’autre ne va pas recommencer ? S’il est chrétien, le chrétien est supposé pardonner, donc ce n’est pas grave, il me pardonnera encore. Avec une telle conception, nous sommes loin de la vérité biblique.
« Jamais deux sans trois »
Encore une petite phrase bien pourrie, qui fonctionne comme une vérité biblique dans la tête des gens, alors que c’est un pur mensonge. La reconnaissance en profondeur de la faute, le don appuyé du pardon, sont normalement suffisants pour que ne se réenclenche pas un processus d’offense, si la personne est globalement bienveillante.
C’est si elle est assez méchante qu’il faut être plus précautionneux. Parce que l’offenseur chronique ne s’arrêtera peut-être jamais.
Il est même possible que certaines personnes ne soient pas méchantes par elles-mêmes, dans leur caractère, mais qu’elles soient poussées par une puissance mauvaise à faire ces choses. Alors, il ne suffit pas de pardonner, il faut accompagner et libérer, comme le faisait Jésus avec des personnes qui parfois étaient tout sauf sympathiques !
Le pardon de Jésus était efficace parce qu’il venait de Dieu et il ne se contentait pas de pardonner un acte, une action, une faute. Il pardonnait la personne, son être. Et il pardonnait totalement, même ce qui n’avait pas été confessé. Parce que si Dieu attendait que nous ayons tout confessé pour nous pardonner et nous sauver, le paradis serait vide…
« Je te pardonne »
Dans le pardon, ce qui importe souvent c’est la motivation. Il y a des façons de pardonner qui sont très méprisantes. Exprimer son pardon en faisant le geste d’un revers de main est comme une condamnation, une parole de rejet. L’amour pardonne, mais le mépris aussi pardonne parfois, pour se débarrasser de l’autre. Et le ton n’est pas du tout le même. Le résultat non plus. Ce pardon par mépris n’est pas profond et il rajoute souvent de l’offense à l’offense.
« Je te pardonne, mais je n’oublierai pas »
Voici une formulation menaçante, qui induit qu’à la moindre occasion, le dossier pourrait être ouvert à nouveau, le procès pourrait recommencer. Autant dire que c’est un pardon incomplet. Bien sûr que personne n’oublie une offense. Oublier n’est pas un point de passage obligatoire du pardon. Mais spécifier à quelqu’un que je n’oublierai pas, c’est une façon d’ajouter une pincée de vengeance à un pardon plus global… Or le pardon ne supporte pas la retenue, les bémols et les demi-mesures.
« Si je pardonne, ce sera interprété comme de la faiblesse »
C’est ce que se disent parfois nos contemporains. Dans une société où la dureté est parfois érigée en modèle, nous sommes en train de perdre la culture du pardon. C’est très certainement aussi lié à la déchristianisation. Le retour du lynchage, de la propre justice, de l’idée que nous devons préférer nous défendre nous-mêmes, éloigne la saine pédagogie du pardon. La déchristianisation de notre société n’y est sûrement pas pour rien. Quand on connaît Dieu, on connaît l’Amour. Et l’amour pardonne tout, tandis que l'amour-propre ne pardonne jamais. Pardonner nous oblige à nous reconnaître faibles nous aussi. Parce que nous réalisons que si nous pardonnons aujourd’hui, c’est certainement parce que nous avons dû être pardonnés autrefois, ou que nous aurons sûrement l’occasion d’être pardonnés plus tard. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Ce serait tellement bien que les chrétiens évangélisent plus, non pas seulement pour remplir les églises, mais pour faire passer ce message : il y a plus de gloire à pardonner qu'il n'y a de plaisir à se venger. La plus belle des « vengeances », c’est de pardonner.
Le pardon pour Jésus
Le Christ nous dit que la seule chose qui est impardonnable c’est de blasphémer le Saint-Esprit de Dieu. C’est-à-dire de se comporter à l’égard de la présence de Dieu comme si on se mettait à cracher au visage de quelqu’un en le regardant droit dans les yeux et en l’insultant. Si Jésus précise cela, c’est qu’il veut dire que tout le reste doit être pardonné. Et puisqu’il nous dit que nous devons aimer nos ennemis, cela veut dire que l’Esprit de Dieu est prêt à nous donner la force de tout pardonner. Rien n’est impardonnable en réalité.
Et pour nous ?
En revanche, il est tout à fait compréhensible que nous ayons du mal à pardonner tout de suite. Parfois, il faut un peu de temps pour réaliser les enjeux. Pardonner à la va-vite risquerait d’être inefficace car nous n’aurions pas pris la mesure de la faute. Pour autant, certaines personnes se protègent parfois derrière le prétexte d’avoir besoin de plus de temps pour attendre… 80 ans avant de s’atteler sérieusement au dossier du pardon. Et comme c’est plus difficile encore de pardonner à quelqu’un quand on ne le lui dit pas de vive voix et face à face, c’est dommage d’attendre trop.
Avez-vous remarqué combien nous sommes prompts à nous pardonner à nous-mêmes ? Nous allons vite pour trouver de bonnes raisons d’être indulgents. Mais c’est plus long souvent de pardonner aux autres. Sauf pour ceux qui trouvent une sorte de plaisir étrange à se torturer par la culpabilisation permanente, bien sûr.
Tous concernés
Pécher est humain, très humain. Pardonner est divin. Si Dieu le Père a envoyé son Fils Jésus, c’est pour nous faire accéder aux valeurs du Royaume de Dieu. Et le pardon est une des plus fortes manifestations de cet Amour donné en Jésus. Nous avons été pardonnés. Nous pardonnons. C’est la base du Notre Père ; c’est la posture de Jésus. Alors pourquoi pas la nôtre ?