Qui aurait cru que l’indéracinable Berrichon épouserait un jour... une Parisienne ? Il est vrai qu’elle avait des racines dans la Nièvre voisine, mais tout de même. Au moment où nous nous fréquentions sérieusement, le Seigneur omniscient l’avait amenée, via son travail, à traverser pendant un an un « sas de décompression » dans une ville d’environ 13.000 habitants où elle ne serait jamais venue d’elle-même.
Un marché équitable
Diverses raisons personnelles font que, pendant quelques années, je ne pourrai pas quitter ma maison au milieu des champs et des bois. Mais il est hors de question d’imposer définitivement à celle qui va me faire l’honneur d’unir sa vie à la mienne de s’enterrer dans un minuscule village très isolé où notre premier voisin està 500 mètres. Alors, nous passons un accord : à la date où je pourrai quitter cette maison, nous la vendrons, et nous irons habiter en ville. Mais... il faut savoir calculer ses forces. Mon maximum respirable, c’est une agglomération de 100.000 habitants ; elle, c’est son minimum. Côté emploi, rien ne me lie à un territoire particulier. Elle, cela dépendra de ce qu’elle trouvera. Malgré les amis qui ont peur que je ne tienne pas le coup, je mets la maison en vente sans regrets : elle partira vite et bien. Véronique a trouvé un poste très intéressant... dans ma ville natale.
Je me suis mentalement préparé à me contenter d’un jardin de 500 m2, dans une rue calme, ce qui est envisageable. Or, Véronique découvre très vite une jolie maison à vendre, proche du centre-ville, dans une zone de rivières et de jardins, dotée d’un immense terrain deux fois plus grand que celui que nous avions à la campagne, avec vue imprenable sur la cathédrale ! C’est à peine croyable, mais c’est ainsi.
La maison perdue dans la nature nous laisse des souvenirs émus, même à Véronique. Quant à la demeure et à la ville où nous vivons depuis treize années, nous y sommes très bien. Le plus amusant, c’est que ma femme s’est désintoxiquée de Paris. Elle aime bien y retourner, mais brièvement, et en se demandant comment elle aurait pu élever des enfants dans ce lieu surpeuplé où tout est compliqué et où tout le monde court.
Joyeusement concéder
Dans le mariage, on emploie souvent le terme négatif de « concessions », comme si en se mariant on devait s’amputer de quelque chose. Il y a de cela dans la vie en général et dans la vie chrétienne en particulier. Sauf qu’avec le Christ, on joue à qui-perd-gagne : « Celui qui cherche à garder sa vie la perdra. Celui qui perd sa vie la conservera(1) » Véronique a sacrifié quelque chose pour moi, et moi pour elle. Devant Dieu, nous avions la conviction paisible que c’était juste. Nous avons seulement mesuré ce dont nous étions capables, avec un coup de pouce du ciel. Par la suite, jamais nous ne nous sommes balancé un de ces reproches acides qui fusent au détour d’une journée difficile, parce que nous nous sommes pleinement accordés sur notre choix.
Elle venait de la ville. Je vivais à la campagne. Aujourd’hui, notre famille vit en ville à la campagne.