Le coronavirus est venu raviver notre peur de la maladie, notre crainte de voir notre santé vaciller au point de toucher à notre vie.
Une vertu cardinale
Pour une bonne santé, nous sommes prêts à dépenser de l’argent, sacrifier du temps, livrer gratuitement toutes nos données personnelles, fermer des écoles, mettre à l’arrêt la « sacro-sainte » économie nationale, etc. Cela est bien compréhensible et normal : l’amour du prochain passe aussi par la protection de sa santé. D’autres réactions de l’homme occidental dans le domaine sont plus interpellantes : les frais de pharmacie inutiles, le jeunisme ambiant, le refus de vieillir, l’angoisse face aux signes potentiels de détérioration physique… Ensemble, elles témoignent que le culte de la santé est bien réel. Il va de pair avec le culte de la beauté corporelle, idolâtrie qui plane souvent au-dessus de nos têtes.
Il n’en a pas toujours été ainsi
Au fil des époques ou des lieux, la société a cependant mis en avant d’autres valeurs que la santé. Loyauté, courage, force, fidélité, honneur, maternité (liste non exhaustive) ont toutes été valorisées, certaines de ces valeurs étant respectées au détriment de la santé. Si nous survalorisons aujourd’hui la santé, est-ce que ce ne serait pas parce que la maladie nous fait trop penser à la mort ? Or, celle-ci nous rappelle que notre vie ne trouve pas sa source en nous-mêmes. Nous ne sommes pas infinis, mais dépendants.
Avec ou sans la santé
Pourtant, même sans la santé, notre vie peut être belle, avoir du sens, être animée de nombreuses valeurs capitales. Il ne faut pas nécessairement être en forme pour aimer ceux qui nous entourent, être généreux, pratiquer le partage, faire preuve de bienveillance, pardonner… C’est par amour pour les autres, pour ne pas les contaminer, que le malade acceptera un isolement et une mise en quarantaine.
J’ai de l’admiration pour ces pasteurs genevois du 16e siècle qui, à chaque épidémie de peste*, tiraient au sort pour savoir lequel d’entre eux irait soutenir les malades pour qu’ils ne meurent pas sans soutien moral et spirituel. Le plus souvent, le pasteur mourait à son tour, témoignant par là qu’il était animé d’une espérance qui dépassait la maladie et la mort.
Plus important que la santé
Que nous soyons ou non en bonne santé, il est des choses qui ont une portée et un impact bien plus grands. Du reste, malgré nos précautions bien compréhensibles et justifiées, notre santé nous échappe. Au premier siècle de notre ère, l’apôtre Jean souhaitait à son ami Gaïus qu’il soit en aussi bonne santé physique que spirituelle**. Bel hommage à un homme qui avait probablement saisi l’essentiel et qui avait mis dans sa vie chaque valeur à sa juste place.