Mon expérience de l’autisme

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L’autisme a jalonné mon parcours professionnel. J’ai travaillé en foyer pour adultes avec trouble du spectre de l’autisme (TSA) et depuis plus de trois ans, j’exerce en Service d’Éducation Spécialisée et de Soins à Domicile (SESSAD) avec de jeunes enfants autistes de moins de six ans dans le cadre d’une prise en charge précoce et intensive de deux ans. Grâce aux neurosciences, on sait aujourd’hui que la fenêtre de zéro à six ans est particulièrement propice aux apprentissages du fait de la plasticité cérébrale.

L’exemple de Lola

J’ai été référente d’une petite Lola (prénom d’emprunt pour préserver son anonymat). Arrivée à trois ans et demi dans le service, Lola ne s’exprimait que par des cris. Elle pouvait crier sans s’arrêter pendant une vingtaine de minutes, jusqu’à épuisement. Lola refusait de s’asseoir sur une chaise. L’école était à bout, la famille aussi. L’accompagnement intensif s’est avéré très efficace : à l’issue de la prise en charge, nous avons laissé une petite fille bien accueillie dans sa classe, assise au regroupement avec les autres enfants, sans troubles du comportement.

Pour arriver à ce résultat, nous avons travaillé ensemble par étapes, avec l’entourage de Lola. Ce qui m’a le plus touchée, c’est que la relation mère-fille a pu être apaisée et restaurée, car cette maman isolée souffrait beaucoup de l’absence de communication avec son enfant.

Mon activité professionnelle dans trois milieux de vie

Au SESSAD

J’anime des séances basées sur l’ESDM (Early Start Denver Model), une méthode qui propose un programme d’intervention individualisé avec des objectifs précis pour que le tout-petit accède aux différents types d’apprentissage. Les activités ludiques ont lieu dans le cadre d’un climat relationnel et émotionnel positif, en encourageant l’enfant et en le valorisant.

Je suis supervisée par les psychologues du service, eux-mêmes spécialisés en autisme et par un organisme de supervision extérieur. C’est un travail en équipe avec les orthophonistes, le pédiatre, le psychomotricien, etc.

À l’école

Je favorise l’inclusion du tout-petit. Pour cela, je coache les enseignants et les Accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), car ceux-ci connaissent parfois peu l’autisme. Je rends également chacun attentif à la gestion comportementale qui va de pair. J’explique aussi le TSA aux enfants de la classe, ce qui facilite considérablement l’acceptation de l’enfant et crée un climat d’entraide.

Pour certains enfants autistes, l’inclusion est plus difficile comme pour ce petit garçon accompagné au SESSAD qui présente un trouble du développement intellectuel (TDI). Une orientation en institut médico-éducatif est préconisée, la famille est d’accord, mais il y a un manque de places dans les établissements.

Au domicile

Je mets en place des outils (souvent visuels) pour aider l’enfant à gagner en autonomie dans la vie quotidienne. Je collabore bien entendu avec les parents, car s’ils ne sont pas forcément experts en TSA, ils sont experts de leur enfant et jouent un rôle très important dans l’avancée des objectifs.

L’impact de l’autisme dans la famille

Comme j’accompagne de jeunes enfants, l’annonce du diagnostic est forcément récente et elle fait bouger les lignes, non sans malmener la cellule familiale. Il n’est pas rare que l’un des deux parents « quitte le navire » — souvent le papa, mais pas toujours — et j’interviens parfois dans des contextes très tendus. Mon expérience transversale en protection de l’enfance m’aide beaucoup, ainsi que les formations professionnelles pour soutenir les parents vulnérables dans le développement de leur parentalité, dans une approche transculturelle(1).

Lors de ma première expérience à domicile, chez Gustave (prénom fictif), l’ambiance est électrique : cet enfant de quatre ans, qui s’exprime plutôt bien oralement, ne tolère aucune frustration et fait de grosses crises de colère, allant jusqu’à insulter et taper ses parents. Parce qu’il est porteur d’un handicap, les parents ne posent aucune consigne, et il est d’abord nécessaire de les guider pour qu’ils reprennent leur place d’adultes. La fratrie paie souvent un lourd tribut comme quand Gustave refuse de perdre à un jeu, sa grande sœur, de deux ans son aînée, est conditionnée à dire systématiquement qu’il a gagné pour « le protéger », même quand il a perdu ! Les relations étant tronquées de part et d’autre, le cadre éducatif intrafamilial se doit d’être revisité avant d’aborder l’accompagnement spécialisé en TSA. L’enfant ne se résume pas à son autisme et plusieurs paramètres sont à prendre en compte pour avancer.

L’accueil dans les autres lieux

Accueillir dignement l’enfant porteur d’un handicap dans les lieux de vie sociale devrait être une évidence en France depuis la loi du 11 février 2005(2).

Dans la dernière stratégie nationale de 2023 pour les Troubles Neuro Développementaux (TND), le répit des familles est également mis en avant. Les parents ont, en effet, besoin de temps pour se ressourcer.

« Pratiquer ses croyances » fait partie des besoins cités dans la liste de Virginia Henderson. Pour les croyants, il s’agit donc d’offrir à l’enfant un temps d’éveil à la foi et de permettre à ses parents de participer aux rencontres de leur Église.

À l’Église, je coordonne l’accueil sous l’égide de l’Association des Familles Protestantes. Pourtant, les enfants avec TND ne sont pas tous accompagnés de la même manière, car autant d’enfants, autant d’autismes différents. Certains enfants s’incluent au groupe sans trop de difficultés ; là où un petit garçon a simplement besoin d’aides visuelles, une jeune fille nécessite un accompagnement « un pour un », avec une équipe qui lui est dédiée. Ailleurs, c’est un enfant avec un handicap sensoriel. Depuis un an, c’est une adolescente avec un Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH). Elle s’épanouit au sein du groupe, surtout depuis que les pauses sportives sont pour tout le monde, afin qu’elle ne se sente pas stigmatisée !

Quel que soit le dispositif, la famille doit se sentir en confiance. Même si on n’est pas tous des professionnels, la bienveillance est le mot-clé pour mener à bien cet accueil.

Auteurs
Cécile DREVON

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1.
En fonction de l’appartenance ethnique, l’approche du handicap peut différer.
2.
Loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

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