Moi, amoureuse d’un autiste…

Extrait Souffrance

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Ma vie a basculé dans le handicap le 14 octobre 2019, peu de temps avant le premier confinement dû au Covid. Ce jour-là, mon mari a été diagnostiqué porteur d’un « trouble du spectre de l’autisme ». Nous étions mariés depuis 17 ans, nous étions parents de deux enfants, et nous apprenions que monsieur était porteur d’un handicap depuis sa naissance, et nous ne le savions pas ! Notre relation de couple, quoique très amoureuse, était très orageuse, malgré les nombreuses séances de conseil conjugal et pastoral que nous avions suivies. Enfin, nous avions une explication ! Paradoxalement, ce diagnostic a été un soulagement.beach 5483065 1280

Mon mari a demandé la prière dans un milieu de type charismatique, et deux choses se sont passées : d’abord, il lui a été demandé d’ancrer son identité en Christ et non pas dans son diagnostic. Ensuite, quelques traits typiquement autistiques ont disparu de sa vie : il a pu regarder les gens dans les yeux, et son visage exprimait enfin du langage para-verbal et non-verbal, ce qui était un progrès considérable dans notre capacité à communiquer l’un avec l’autre.

Par contre, l’impact de cette prière s’est arrêté là. Mon mari doit toujours, à ce jour, composer avec un « trouble de l’intégration sensorielle » très handicapant : une faible lumière peut l’aveugler, les bruits sont assourdissants, les odeurs l’envahissent et le moindre frôlement tactile peut l’étouffer. C’est comme s’il vivait en permanence dans une discothèque, avec les stroboscopes et la musique à fond, et une foule de gens qui se collent à lui, comme autant de tentacules de pieuvres pour l’enserrer. Dans ce contexte sensoriel intenable, il doit vivre une vie « ordinaire » : prendre le métro, travailler, faire les courses, élever nos enfants, superviser leurs devoirs, contacter les profs, etc.

Comme si cela ne suffisait pas, en 2021, nos deux enfants ont été diagnostiqués avec un « trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité » et une forte dyslexie, qui perturbe leurs apprentissages scolaires. Heureusement, là encore, le diagnostic a sérieusement amélioré les choses : l’école a mis en place les adaptations nécessaires, grâce à un dossier déposé auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), avec notamment la présence d’une  accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH). Mais cela a représenté un investissement financier considérable pour absorber les frais médicaux non remboursés, accompagnés d’interminables tracas administratifs ! Mon mari et moi en avons fait tous les deux un « burn-out administratif ».

Et moi dans tout cela ? J’ai sacrifié tous les autres aspects de ma vie à l’accompagnement des handicaps de mon mari et de nos enfants. Je n’exerce plus mon métier d’origine que j’aimais tant, et l’impact financier est important. Je suis aujourd’hui moi-même AESH, parce que je souhaite travailler quand mes enfants sont à l’école et ne pas travailler quand ils n’y sont pas. Et puis le handicap ne me fait pas peur !

Mais si vous saviez le nombre de familles que je croise dans mon travail avec les mêmes défis que les miens, et dont l’entourage (proches, clubs de sport, collègues, Église, etc.) ignore absolument tout de leur situation ! Vous êtes-vous déjà préoccupés de savoir si quelqu’un que vous croisez tous les jours et que vous pensez bien connaître croule sous des dossiers MDPH insurmontables ? S’ils se taisent, c’est peut-être parce qu’ils ont honte, comme si le handicap était une malédiction ou la marque d’un manque de foi ?

Heureusement, ma famille a rejoint une Église très en avance dans ce domaine. La plupart de ses membres travaillent dans le domaine du handicap mental, j’y fréquente d’autres AESH et enseignante spécialisée dans le handicap, des médecins, aides-soignants, responsables d’Établissement ou service d’accompagnement par le travail (Ésat), etc. Certaines familles dans mon Église sont touchées par la surdité, la schizophrénie, ...

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