Le premier miracle de Jésus rapporté par l’évangile de Jean(1) est à la fois éloquent et déroutant. Il a lieu à l’occasion de noces qui se déroulent à Cana, une petite bourgade située non loin de Nazareth en Galilée où Jésus a passé son enfance.
Le vin venant à manquer lors du repas, le maître de cérémonie est désemparé. Les invités ont-ils bu plus que de raison ? Étaient-ils plus nombreux que prévu ? Nous ne le savons pas. Toujours est-il que Jésus, invité à la noce avec ses disciples, apprend l’embarras des mariés. Il demande alors au personnel de remplir d’eau les six jarres présentes qui servent habituellement aux ablutions rituelles. Jean précise qu’elles sont remplies à ras bord. Selon les commentateurs, cela doit faire au total entre 240 et 600 litres.
Et c’est là que le miracle intervient : Jésus transforme cette eau en un vin excellent qui n’a rien à voir avec celui qui a été servi jusque-là. Cependant, le texte ne mentionne aucun abus de boisson mais juste la surprise du marié lorsque le maître de cérémonie lui dit : « Tout le monde commence par offrir le meilleur vin, puis, quand les invités sont ivres, on sert le moins bon. Mais toi, tu as gardé le meilleur vin jusqu’à maintenant ! »
À Cana, Jésus inaugure ainsi le festin annoncé par le prophète Esaïe :
« Sur la montagne de Sion, le Seigneur de l’univers offrira à tous les peuples un banquet de viandes grasses arrosé de vins fins – des viandes tendres et grasses, des vins fins bien décantés. C’est là qu’il supprimera le voile de deuil que portaient les populations, la couverture de tristesse étendue sur tous les pays. Il supprimera la mort pour toujours. Le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages. »
(Esaïe 25.6-8)
Ce n’est donc pas tout à fait fortuit que l’évangéliste précise que ces jarres servaient aux ablutions rituelles des juifs. Il témoigne ainsi qu’avec Jésus, les rites anciens deviennent caduques. Une nouvelle alliance caractérisée par la grâce, symbolisée par un vin excellent, remplace la loi ancienne de Moïse, symbolisée par de l’eau de purification. Il conclut l’épisode en commentant : « Jésus manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. » Avec ce premier miracle de Jésus, le royaume de Dieu est en marche.
L’ami des buveurs
Surprise ! Jésus a la réputation d’être l’ami des buveurs et des gloutons ! Mais, à ce genre de raillerie, Jésus répond : « Jean le baptiste est venu, il ne mange pas de pain et ne boit pas de vin, et vous dites : “Il est possédé par un démon !” Le Fils de l’homme est venu, il mange et boit(2), et vous dites : “Voyez cet homme qui ne pense qu’à manger et à boire du vin, qui est ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs !”(3) »
C’est certain, les moqueurs ont déformé la réalité, il n’en reste pas moins que Jésus mangeait et buvait avec plaisir, surtout en comparaison de Jean Baptiste qui lui se nourrissait très frugalement. Il le faisait tout autant avec les personnes bien insérées socialement qu’avec les mal-aimés et les laissés pour compte. Manifestement, il ne refusait pas un bon repas accompagné d’une coupe de vin lorsqu’on l’invitait.
Pour être plus complet, l’Évangile nous montre aussi des moments où Jésus a fait le choix de ne pas manger, soit pour avoir du temps pour prier, soit pour donner du temps aux autres(4). La bonne chère était certainement un plaisir pour lui, mais elle n’était sûrement pas prioritaire. C’est aussi ce qu’il a voulu faire comprendre à son amie Marthe qui s’affairait tellement à lui préparer de bons plats qu’elle en avait oublié qu’il préférait par-dessus tout qu’elle écoute tout simplement la parole de Dieu(5).
Son enseignement
Jésus a mis en scène plus d’une fois la vigne et le vin dans son enseignement.
On constate qu’il connaissait bien les usages, notamment...