– Paradoxalement, la colère est l'un des symptômes de la dépression, et elle est visible chez Caïn. Pouvez-vous nous dire quelles en sont les racines et comment on peut la gérer ?
JLR – Il est indigné de ce que son système soit remis en cause, et que quelqu'un ait une autre idée que la sienne, laquelle pourrait finalement ne pas être juste. Il veut donc éliminer le perturbateur pour essayer de maintenir sa loi jusqu'au bout. La bonne réponse face à une telle situation serait évidemment d'accepter le fait qu'un autre point de vue puisse exister, parce qu'il en est ainsi dans la réalité. La mort existe aussi pour Caïn, mais il la nie, et il en arrive à se demander pourquoi il a tant de difficultés à la reconnaître. Sa dépression est liée au fait qu'il s'imagine qu'on ne l'aime pas parce qu'on ne reconnaît pas son système de fonctionnement. Il y a chez lui confusion ou assimilation indue entre ce qu'il fait et ce qu'il est. Or, ce qui est en cause, c'est ce qu'il fait et non ce qu'il est. Il vit cela avec une détresse extrême parce qu'il se sent rejeté en tant que personne.
– La colère serait donc dans ce cas la manifestation ou l'expression de cette détresse.
JLR – Disons qu'elle correspond à une agression violente de sa personne, de son monde intérieur. C'est ici l'occasion de dire que le travail éducatif des parents se résume, entre autres choses, à cette formule qui s'impose souvent : « Je n'aime pas ce que tu fais, mais toi je t'aime ». Autrement dit, il convient de faire la différence entre ce qu'on fait et ce qu'on est.