Bien des prières dans la Bible comparent Dieu à un rocher, une forteresse, un abri sûr pour les fidèles, voire à un berger qui veille sur son troupeau. Cela peut-il conduire à considérer la foi comme le symptôme d’un besoin de soutien, de protection, né d’un sentiment de faiblesse et de vulnérabilité, d’une peur profonde de la vie et de ses défis ?
Peut-être se trouve-t-il chez les croyants -comme chez les incroyants- des « faibles », comme des « forts », par ailleurs. Mais se confier à Dieu, se tourner vers lui, n’est pas forcément synonyme de passivité. Un jésuite hongrois, Gabor Hevenési, écrivait il y a trois siècles : « crois en Dieu comme si le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu…Cependant, ajoutait-il, « mets tout en œuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul ». Pour le dire autrement : « Agis comme si tout dépendait de Dieu ».
La foi chrétienne est moins « béquille » qu’aiguillon, stimulant ! Je peux agir en confiance, avec audace, liberté, espérance… et humour, pour relever les défis les plus redoutables, car tout est entre les mains de Dieu. C’est par la foi qu’Henry Dunant créa ce qui allait devenir la Croix-Rouge, qu’un Abbé Pierre réveilla les consciences pour secourir les sans-abris et rassembla les compagnons d’Emmaüs. Qu’un William Booth, fondateur de l’Armée du Salut, déclara jusque dans ses vieux jours : tant que subsistera une situation de détresse, je me battrai… Les exemples ne manquent pas, célèbres ou non, d’une foi active en dépit de l’immensité de la tâche, des circonstances hostiles, et du danger.
Comme le dit G. Hevenési à sa manière, croire en Dieu, ce n’est pas attendre qu’il agisse à notre place ou qu’il vienne exaucer nos désirs un peu à la manière du bon génie jaillissant de la lampe d’Aladin. C’est au contraire chercher sa volonté, discerner ce qu’il attend de nous, bref prier, c’est aussi chercher à exaucer Dieu !
Jésus, en enseignant ses disciples sur les soucis de la vie, les besoins à satisfaire, leur montre des oiseaux que le Créateur nourrit sans qu’ils travaillent, et des fleurs magnifiquement vêtues des plus beaux coloris pour conclure : "Si Dieu veille ainsi sur d’humbles créatures, à combien plus forte raison ce Père prendra-t-il soin de ses enfants" (Matthieu 6.24-34).
Il est à noter que Jésus se garde bien de faire des fleurs et des oiseaux des modèles de passivité. Il nous faut bien travailler pour manger, nous vêtir, nous chauffer, nous loger ! Ces créatures sont plutôt des témoins, des signes de l’amour de Dieu.
Croire que notre vie est dans les mains de Dieu, ce n’est pas chercher une béquille, c’est au contraire jeter toutes les béquilles par lesquelles nous tentons d’oublier la réalité de nos vies : culte de la performance et de la séduction, « jeunisme » et refus de vieillir, recours aux antidépresseurs, aux drogues légales ou illicites, aux divertissements comme remèdes à l’angoisse. Tout ce qui nous dispense de chercher qui nous sommes, et ce que nous faisons sur terre. Le chrétien n’a plus besoin de ces « béquilles » pour avancer et pour agir. Il se sait précédé d’un amour qui nous accepte tels que nous sommes, avec nos forces et nos faiblesses, et qui nous délivre de la peur. L’amour de Dieu pour nous est comparable à celui d’un père pour son enfant. Comme Jésus l’a dit à cet homme paralysé : « lève-toi et marche ». Libéré du souci de toi-même, tu trouveras en chemin la force d’aimer à ton tour, de devenir semeur de paix, de joie, de justice, de pardon.